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Textes d'opinion

Tarifs douaniers sur les véhicules électriques assemblés en Chine – Les consommateurs sont les grands perdants du protectionnisme

La meilleure façon de gagner une guerre commerciale, c’est de ne pas y participer. Malheureusement, le gouvernement fédéral ne semble pas avoir compris ce principe.

Il semble qu’Ottawa s’apprêterait à emboîter le pas aux États-Unis et à l’Union européenne⁠ en imposant des tarifs douaniers sur les véhicules électriques assemblés en Chine.

Selon la vice-première ministre, Chrystia Freeland, ces véhicules électriques ne seraient pas assez chers2, ce qui serait le signe de pratiques commerciales déloyales.

Alors que le niveau de ces tarifs n’a pas encore été annoncé, il semblerait que le gouvernement aimerait émuler les tarifs de 100 % récemment imposés par les Américains.

Bien que l’on trouve peu de gens pour défendre les pratiques commerciales chinoises, il importe de reconnaître que ces tarifs douaniers ne viennent pas tant pénaliser la Chine. Ils viennent plutôt pénaliser les consommateurs et consommatrices d’ici.

L’équivalent d’une taxe sur les importations

Cette situation découle du fait qu’un tarif douanier revient essentiellement à une taxe sur les importations.

En ce moment, par exemple, le gouvernement fédéral impose déjà un tarif de 6 % sur les véhicules électriques assemblés en Chine.

Cela signifie que lorsque le véhicule arrive à un port canadien, une taxe de 6 cents par dollar de valeur est envoyée dans les coffres du gouvernement fédéral.

Quant à nous, en tant que consommateurs et consommatrices, ces taxes à l’importation n’apparaissent pas comme un article sur la facture que l’on paie. Elles se reflètent néanmoins dans le prix affiché pour un produit, à l’instar des coûts de fabrication, de transport et de mise en marché.

Certains tarifs sont tellement élevés qu’ils finissent par ériger un mur entre les consommateurs et certains biens étrangers, les rendant non compétitifs — c’est le cas notamment avec le tarif de 298 % appliqué sur le beurre importé au Canada.

D’autres ne font que ramener le prix des produits étrangers à un niveau plus près de ceux qui sont produits ici. Dans un cas comme dans l’autre, ce sont les consommateurs qui en sortent perdants avec des prix plus élevés.

Certains défendent cependant les tarifs en affirmant qu’ils permettent de protéger des emplois locaux. Si l’argument n’est pas faux, il importe néanmoins de se demander à quel prix nous les protégeons.

L’exemple des voitures japonaises

Un exemple approprié dans ce cas-ci nous vient du sud de la frontière. Dans les années 1980, les Américains se faisaient envahir par des véhicules étrangers à faible coût. À l’époque, ils ne venaient pas de Chine, mais plutôt du Japon⁠.

Les grands constructeurs automobiles américains et leurs syndicats avaient alors fait front commun afin de réclamer l’imposition de tarifs douaniers sur les véhicules importés du Japon.

Sentant la soupe chaude, le Japon avait adopté une politique volontaire de restriction des exportations. Bien que celle-ci se soit articulée sous la forme de quotas, son effet demeure le même que celui de l’instauration d’un tarif douanier.

Il est estimé que cette politique protectionniste s’est traduite en une augmentation du prix des véhicules japonais vendus aux États-Unis d’entre 1200 et 2200 $ US à l’époque. Ajusté à l’inflation, on parle d’une hausse de prix de 3700 à 6300 $ US.

L’effet ne s’est pas seulement fait sentir sur les véhicules japonais, cependant. Sentant moins de pression de la concurrence japonaise, les constructeurs américains en ont profité, eux aussi, pour augmenter leurs prix de 2100 à 2800 $ US, en dollars d’aujourd’hui.

Au final, le coût net de cette politique a été d’environ 6 milliards de dollars par année pour l’économie américaine. En dollars d’aujourd’hui, c’est près de 18 milliards de dollars. Cela a coûté bien plus cher à tous les Américains et Américaines que cela ne leur a rapporté.

Outre la question des coûts pour les consommateurs – qui demeure tout de même primordiale –, il faut aussi examiner dans quel contexte l’imposition de ces nouveaux tarifs douaniers s’inscrit.

Électrification du parc automobile

Alors qu’Ottawa nous affirme que les véhicules électriques assemblés en Chine ne coûtent pas assez cher et qu’il faut les taxer davantage, le gouvernement tente aussi d’accélérer l’adoption des véhicules électriques au pays, jusqu’à bannir la vente de véhicules à essence en 2035.

En ce moment, 46 % des propriétaires de véhicules à essence affirment qu’ils envisagent de se procurer un véhicule électrique comme prochain véhicule⁠ — un chiffre en baisse, car ils étaient 68 % il y a deux ans.

Parmi les principaux facteurs évoqués pour cette réticence, le prix d’achat plus élevé est cité par 68 % des répondants. Dans un tel contexte, le faible coût des véhicules produits en Chine pourrait aider le fédéral à atteindre ses objectifs d’adoption de véhicules électriques.

Quoi qu’il en soit, l’imposition de ces tarifs serait une très mauvaise nouvelle pour les consommatrices et consommateurs canadiens.

Gabriel Giguère est analyste senior en politiques publiques à l’IEDM. Il signe ce texte à titre personnel.

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