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Pour un passeport vaccinal décentralisé

Point qui propose une preuve de vaccination pour réduire les contraintes imposées aux voyageurs et un passeport vaccinal non obligatoire et décentralisé pour les autres secteurs

Cela fait déjà plus d’un an que la pandémie a chamboulé nos vies et que nos libertés individuelles sont soumises à de lourdes contraintes. Heureusement, la campagne de vaccination qui bat son plein nous permet d’espérer que nous retrouverons prochainement une meilleure qualité de vie. À cette fin, cette publication plaide en faveur de l’instauration d’un passeport vaccinal non obligatoire et décentralisé.

En lien avec cette publication

Pour un passeport vaccinal décentralisé (Le Journal de Montréal, 28 avril 2021)

For a Decentralized Vaccine Passport (Westphalian Times, 29 avril 2021)

A COVID vaccine passport is a good idea: MEI (The Hub, 30 avril 2021)

Entrevue avec Miguel Ouellette (Sophie Durocher, QUB radio, 28 avril 2021)

Entrevue avec Miguel Ouellette (Midi Pile, CKYK-FM, 28 avril 2021)

Entrevue avec Miguel Ouellette (Boulevard du Pacifique, Ici Radio-Canada, 28 avril 2021)

Entrevue avec Miguel Ouellette (C’est jamais pareil, Ici Radio-Canada, 29 avril 2021)

Entrevue (en anglais) avec Maria Lily Shaw (CTV News Montreal at Noon, CFCF-TV, 6 mai 2021)

 

Ce Point a été préparé par Miguel Ouellette, directeur des opérations et économiste à l’IEDM, et Maria Lily Shaw, économiste à l’IEDM. La Collection Santé de l’IEDM vise à examiner dans quelle mesure la liberté de choix et l’entrepreneuriat permettent d’améliorer la qualité et l’efficacité des services de santé pour tous les patients.

Alors que la campagne de vaccination bat son plein d’un océan à l’autre et que les politiciens promettent que tous pourront avoir une première dose d’ici le début de l’été, l’idée d’un passeport vaccinal commence à susciter de l’intérêt, certes, mais aussi des inquiétudes(1). Si l’idée est attrayante, c’est bien entendu en raison des bénéfices tangibles qu’elle promet aux personnes vaccinées, comme l’accès à certains commerces présentement fermés ou encore la possibilité de voyager à l’étranger plus facilement. Après tout, des expériences menées en Espagne laissent présager qu’il serait possible de tenir des événements, comme des concerts, de façon sécuritaire grâce à un protocole adéquat(2).

Or, la mise en place d’un système de passeport vaccinal à grande échelle, tel un sésame ouvrant les portes de plusieurs commerces à certains, mais pas à d’autres, soulève des questions importantes quant à l’utilisation de données confidentielles et aux libertés individuelles, en plus des préoccupations opérationnelles. Doit-il être obligatoire? Quelle utilisation doit-on en faire? Quelle forme prendrait-il? Sommes-nous même en mesure de mettre en œuvre un tel système? Les interrogations sont nombreuses et on ne semble pas s’entendre sur les réponses. D’ailleurs, l’administration Biden a déjà fermé la porte à l’instauration d’un passeport vaccinal obligatoire(3).

L’exemple israélien

Israël fait figure de chef de file mondial pour l’efficacité et la rapidité de sa campagne de vaccination(4). En date du 10 avril 2021, plus de 60 % de la population israélienne avait reçu au moins une dose d’un vaccin contre la COVID-19, comparativement à 22 % pour le Québec (voir la Figure 1)(5). Notons que les populations du Québec et de l’Israël sont d’une taille similaire, soit 8,6 et 9 millions d’habitants respectivement(6).

​Si l’État israélien peut se targuer d’un tel succès, c’est grâce aux données médicales à jour et fiables qu’il est en mesure de partager rapidement avec son partenaire, l’entreprise pharmaceutique Pfizer(7). C’est ainsi que ce petit pays du Moyen-Orient est devenu un véritable laboratoire capable de renseigner le public mondial sur les forces et les faiblesses des vaccins.

C’est également en raison de cette mine de données dont dispose Israël qu’un passeport vaccinal, nommé le « Green Pass », a pu être mis en place avec célérité(8). Ce passeport, disponible sur application mobile et sur support papier, permet aux Israéliens de fréquenter les restaurants, d’aller à un centre de conditionnement physique ou d’assister à des concerts extérieurs(9).

Pour ou contre le passeport vaccinal?

La littérature consacrée au passeport vaccinal est en pleine effervescence. Quelle que soit l’opinion que l’on a de ceux qui refusent le vaccin, il n’en demeure pas moins qu’il serait hasardeux pour le gouvernement de les mettre au ban de la société et de restreindre davantage leur liberté de circuler. Au-delà des enjeux éthiques, des impératifs touchant tant à la santé qu’aux libertés individuelles nous exhortent à trouver une voie acceptable. Après tout, une étude publiée en octobre 2020 dans la prestigieuse revue scientifique médicale The Lancet concluait ainsi : « Il est contraire à l’éthique de restreindre la liberté à moins qu’il n’y ait un risque réel pour d’autres personnes. Si nous disposons de la technologie pour déterminer qui ne pose pas de risque, nous devrions l’utiliser »(10).

En ce sens, il est difficilement envisageable de reprendre les voyages internationaux sans l’avènement d’un passeport vaccinal. En effet, Israël – qui s’est doté, comme nous l’avons mentionné, d’un passeport vaccinal – exige notamment des voyageurs étrangers une preuve de vaccination ou d’immunisation(11). Pendant ce temps, plusieurs autres pays, dont ceux de l’Union européenne, semblent vouloir emboîter le pas(12). Par ailleurs, le phénomène n’est pas nouveau en soi, puisque plusieurs pays exigent d’ores et déjà une preuve de vaccination contre la fièvre jaune afin d’entrer sur leur territoire(13). Ainsi, ne pas permettre à un tel système de voir le jour au Canada sous une certaine forme reviendrait essentiellement à restreindre les déplacements de la population pour une durée injustifiée.

L’état des lieux au Canada et au Québec

Le gouvernement fédéral et les provinces ont entamé un dialogue en début d’année sur la possibilité de mettre en place un système de passeport vaccinal, mais peu d’informations ont filtré quant à la nature de ces conversations ou leur état d’avancement véritable. Il convient avant tout de s’interroger sur la capacité réelle de notre gouvernement à utiliser un tel système. En effet, un passeport vaccinal canadien présuppose un accès facile et rapide aux données pertinentes. Or, les différentes provinces canadiennes utilisent divers systèmes qui ne communiquent pas toujours entre eux, et dont la sophistication technologique varie. Dans tous les cas, nous ne disposons pas d’une base de données canadienne susceptible de reproduire facilement le modèle israélien(14).

Dans ce contexte, et sans se pencher sur les enjeux constitutionnels, il convient de se tourner vers un modèle décentralisé où des entrepreneurs pourront mettre de l’avant différentes options, que ce soit sous forme de bracelets, d’applications mobiles ou autre. Plusieurs entreprises sont déjà à pied d’œuvre afin de trouver les meilleures solutions(15). Il s’avère donc préférable que les gouvernements évitent de doublonner ce travail alors que les résultats pourraient se révéler mitigés.

Conclusion

Au regard des bénéfices et des inconvénients des options réalisables, il nous apparaît acceptable que le Canada ait recours à une preuve de vaccination pour les voyageurs en provenance de l’étranger, étant donné la nature plus centralisée de ce secteur et les répercussions possibles sur la population. Cela permettrait de mettre fin plus rapidement aux mesures contraignantes pour la mobilité des voyageurs canadiens vaccinés, comme la quarantaine obligatoire à l’hôtel.

Jumelé à cela, un passeport vaccinal non obligatoire constitue l’option la plus raisonnable et la plus sensée pour les autres secteurs afin d’accélérer la réouverture de notre économie. Celui-ci permettrait aux commerces et aux établissements privés d’exiger une preuve de vaccination afin d’accéder à leurs services. Il va de soi que la majorité des commerçants souhaitent offrir un environnement sécuritaire à leur clientèle, et la population sera susceptible de privilégier les entreprises participantes.

Cela constituerait également une incitation supplémentaire à la vaccination pour ceux et celles qui hésitent encore à se faire vacciner(16), sans pour autant recourir à un degré de coercition excessif en exigeant la vaccination de tout un chacun. Alors que l’été se profile à l’horizon, il est impératif pour les gouvernements d’établir un cadre qui facilite la mise en œuvre de ces deux recommandations – soit la preuve de vaccination pour réduire les contraintes imposées aux voyageurs en provenance de l’étranger et le passeport vaccinal non obligatoire et décentralisé pour les autres secteurs – afin de permettre à la vie de finalement reprendre son cours.

Références

  1. Pierre-André Normandin et Fanny Lévesque, « Assez de doses pour l’objectif du 24 juin », La Presse, 22 avril 2021; Guillaume Bourgault-Côté, « Le passeport vaccinal divise au Québec comme au Canada, montre un sondage », Le Devoir, 3 mars 2021.
  2. France24, « Covid-19 : 5 000 personnes réunies pour un concert-test à Barcelone », 28 mars 2021.
  3. La Presse Canadienne, « Le passeport vaccinal, la prochaine pomme de discorde entre Ottawa et Washington? », Radio-Canada, 8 avril 2021.
  4. Our World in Data, Health, Coronavirus Pandemic (COVID-19), Vaccinations, Relative to population, consulté le 23 avril 2021.
  5. Idem.; Gouvernement du Canada, Coronavirus (COVID-19), Vaccins, déploiement, sécurité, Nombre de personnes vaccinées, Couverture vaccinale, Figure 1 : Pourcentage cumulatif de personnes ayant reçu au moins une dose d’un vaccin contre la COVID-19 au Canada par province ou territoire, 10 avril 2021, consulté le 23 avril 2021.
  6. Statistique Canada, Tableau 17-10-0009-01 : Estimations de la population, trimestrielles, 2021; The World Bank, Data, Browse data by Country, Israel, Population, total, consulté le 23 avril 2021.
  7. Tunku Varadarajan, « How Israel Became the World Vaccine Leader », The Wall Street Journal, 12 mars 2021.
  8. Marie-Danielle Smith, « Vaccine passports could be our ticket to normalcy. But Canada isn’t ready. », Maclean’s, 7 avril 2021.
  9. Idem.
  10. Rebecca C. H. Brown, et al., « The scientific and ethical feasibility of immunity passports », The Lancet, vol. 21, no 3, mars 2021, p. e61.
  11. Garda World, « Israel: Select foreigners permitted to enter the country from April 7 amid easing of COVID-19 restrictions /update 97 », 7 avril 2021.
  12. BBC News, « Covid passports: What are different countries planning? », 26 mars 2021.
  13. Gouvernement du Canada, Voyage et tourisme, Voyager à l’étranger, Document de voyage, Certificat international de vaccination ou de prophylaxie, consulté le 23 avril 2021.
  14. Justin Ling, « Canada’s public health data meltdown », Maclean’s, 7 avril 2021.
  15. Idem.
  16. Rachel Wilf-Miron, Vicki Myers et Mor Saban, « Incentivizing Vaccination Uptake: The “Green Pass” Proposal in Israel », JAMA, 15 mars 2021, p. E1.
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