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Les conditions gagnantes pour les mini-hôpitaux

Cahier de recherche expliquant les conditions qui doivent être réunies afin d’assurer que les mini-hôpitaux améliorent l’accès aux services de première ligne, désencombrent les salles d’urgence et complètent l’offre de services existante

Le succès du projet de mini-hôpitaux gérés par des entrepreneurs indépendants repose largement sur le financement à l’activité et sur une gestion flexible des ressources humaines, selon cette étude de l’Institut économique de Montréal.

En lien avec cette publication

Il faut aller de l’avant avec les mini-hôpitaux (La Presse, 20 juin 2023) Entrevue avec Emmanuelle B. Faubert (Marceau le midi, BLVD 102.1, 15 juin 2023)

Entrevue avec Emmanuelle B. Faubert (Billet de retour, CPAM 1410, 15 juin 2023)

Entrevue (en anglais) avec Emmanuelle B. Faubert (CTV News Montreal at Noon, CFCF-TV, 20 juin 2023)

Entrevue (en anglais) avec Emmanuelle B. Faubert (Global News, Global TV, 22 juin 2023)

 

Ce Cahier de recherche a été préparé par Maria Lily Shaw, chercheuse associée à l’IEDM, et Emmanuelle B. Faubert, économiste à l’IEDM. La Collection Santé de l’IEDM vise à examiner dans quelle mesure la liberté de choix et l’entrepreneuriat permettent d’améliorer la qualité et l’efficacité des services de santé pour tous les patients.

Points saillants

Le système de santé québécois connaît des problèmes et des défis qui persistent depuis trop longtemps. Afin de répondre à ces lacunes, le gouvernement prévoit livrer sous peu l’une de ses promesses électorales, soit l’ajout de deux mini-hôpitaux privés dans le système de santé. Le but ultime de ces mini-hôpitaux est d’améliorer l’accès des Québécois aux services de première ligne, de désencombrer les salles d’urgence et de compléter l’offre de services existante. Cependant, la concrétisation des avantages potentiels liés à l’introduction de ces mini-hôpitaux dépendra de la mise en place des bonnes conditions pour la réussite du projet.

Chapitre 1 – Créer une ouverture du système actuel et de la concurrence

  • Les systèmes hospitaliers mixtes représentent la norme dans les pays développés, où la couverture universelle et le secteur privé coexistent.
  • Le cas du Québec, et celui du Canada par extension, représente une anomalie sur la scène internationale avec une absence (quasi) totale d’établissements privés à but lucratif.
  • Ce n’est pas la présence du privé comme telle qui améliore l’accessibilité aux soins et leur efficacité, mais plutôt l’ouverture à l’entrepreneuriat, la flexibilité et l’injection de concurrence et d’innovation qui s’ensuivent.
  • Il est important d’intégrer des mécanismes de marché qui comportent des récompenses pour les fournisseurs, leurs gestionnaires et leurs employés, de façon à les encourager à prendre des décisions qui améliorent les services qu’ils offrent.
  • Les mini-hôpitaux devraient servir de milieux propices à l’innovation où de nouvelles techniques et modèles de gestion seront mis au banc d’essai.

Chapitre 2 – Assurer un financement adéquat

  • Pour le moment, chaque patient qui se fait soigner à l’hôpital représente un coût pour l’établissement, puisque le budget est établi indépendamment du nombre de patients que l’hôpital traite durant l’année courante.
  • Les mécanismes de financement à l’activité encouragent l’efficacité et l’innovation, mais aussi la maîtrise des coûts et la responsabilisation, puisque les hôpitaux reçoivent un prix fixe par intervention, quel que soit le montant réellement dépensé pour traiter le patient.
  • Un élément-clé dans le financement des mini-hôpitaux est l’enveloppe budgétaire qui leur sera accordée, et ce, aussi bien au titre de l’exploitation qu’à celui des immobilisations. Sans une possibilité de rentabilité suffisante, aucun entrepreneur ne sera intéressé à investir.
  • Les mini-hôpitaux devraient être autorisés à utiliser leur capacité résiduelle ou excédentaire afin de servir une clientèle qui n’est pas couverte par la RAMQ, mais ils ne pourront le faire que si l’interdiction concernant la pratique médicale mixte est levée.

Chapitre 3 – Permettre une gestion flexible

  • Il est indispensable que le contrôle de la qualité soit objectif et indépendant, dans l’esprit du respect de l’ouverture du système actuel à la concurrence. De cette façon, les risques de rigidité excessive résultant d’une évaluation inadaptée de la qualité des soins seraient réduits au minimum.
  • Éviter d’imposer aux mini-hôpitaux les conventions collectives du secteur public de la santé permettrait de créer un environnement plus propice à l’efficience et à l’innovation.
  • Les gestionnaires de mini-hôpitaux devraient être en mesure de gérer de manière flexible l’approvisionnement des services auxiliaires, tels que la sécurité, les services d’entretien et l’achat d’aliments, de logiciels informatiques, d’équipements médicaux, etc.
  • Un autre moyen d’assurer une efficience supérieure est de laisser toute la latitude aux gestionnaires pour limiter la paperasse qui paralyse actuellement les professionnels de la santé. Les médecins du Canada consacrent près de 19 millions d’heures annuellement à des activités administratives.

Chapitre 4 – Lever les obstacles réglementaires et législatifs les plus restrictifs

  • L’interdiction pour les médecins de pratiquer à la fois dans le système public et dans le système privé en ce qui concerne les actes médicaux déjà assurés par la RAMQ est encadrée par la Loi sur l’assurance maladie du Québec, mais la pratique mixte n’est pas interdite par la Loi canadienne sur la santé.
  • En autorisant la pratique mixte, le Québec viendrait rejoindre un grand nombre de pays développés ainsi que les quatre provinces canadiennes qui ne l’interdisent pas, à savoir le Manitoba, la Nouvelle-Écosse, l’Île-du-Prince-Édouard et Terre-Neuve-et-Labrador.
  • L’expérience internationale montre que les médecins exerçant dans des pays qui autorisent la pratique mixte ne consacrent pas moins de temps à la prise en charge de patients du système public que leurs homologues pratiquant uniquement dans le secteur public.
  • Le nombre d’étudiants admis chaque année dans les différents programmes des facultés de médecine est trop faible pour subvenir aux besoins grandissants de la population. Faciliter la reconnaissance des compétences des professionnels des autres provinces et pays pourrait également contribuer à résoudre la pénurie actuelle.
  • Permettre aux mini-hôpitaux d’hospitaliser leurs patients pourrait favoriser le développement de leurs capacités de manière à diversifier les types de services offerts dans leurs locaux et ainsi alléger davantage la pression sur les hôpitaux publics.
  • Les plans d’effectifs médicaux des régions où se situeront les mini-hôpitaux devront refléter l’ajout d’un établissement de santé qui dispensera une gamme variée de services nécessitant des médecins de famille et des spécialistes.

La construction de deux nouveaux mini-hôpitaux privés au Québec a le potentiel d’offrir d’importants bénéfices pour les citoyens. Pour que ce potentiel se réalise, plusieurs conditions doivent toutefois être réunies afin de garantir le succès du projet. Ces conditions sont cruciales pour créer un environnement favorable à l’innovation et à l’efficience, tout en garantissant une qualité de soins et un accès équitable aux patients. Chaque condition peut être remplie sans contredire la Loi canadienne sur la santé ni compromettre l’universalité du système de santé québécois. Il s’agit de conditions réalisables qui sont déjà présentes dans de nombreux pays développés dotés d’un système de santé universel.

INTRODUCTION

Le système de santé québécois connaît des problèmes et des défis qui persistent depuis trop longtemps. À titre d’exemple, le nombre de patients en attente pour une chirurgie d’un jour se chiffre à 158 507 en date d’avril 2023. De ce nombre, 31 % attendent depuis plus de six mois(1). Qui plus est, la durée médiane de séjour aux urgences s’est prolongée au cours des dernières années. En effet, elle a atteint 5 heures 11 minutes en 2022, ce qui représente une augmentation de 40 minutes (14 %) en quatre ans. Pire encore, le nombre de patients sur civière ayant attendu plus de 24 heures à l’urgence a crû de 50 %, atteignant près de 210 000 personnes ou près d’un patient sur quatre(2).

Afin de répondre à ces lacunes, le gouvernement du Québec prévoit livrer sous peu l’une de ses promesses électorales, soit l’ajout de deux mini-hôpitaux privés dans le système de santé. Cet ambitieux projet doit être salué puisqu’il a le potentiel de favoriser la concurrence entre les prestataires et une plus grande liberté de choix pour les patients dans le système hospitalier, tout en maintenant une couverture universelle pour les traitements médicalement nécessaires financés par le gouvernement.

La durée médiane de séjour aux urgences a atteint 5 heures 11 minutes en 2022, une augmentation de 40 minutes (14 %) en quatre ans.

Cependant, la concrétisation des avantages potentiels liés à l’introduction de ces mini-hôpitaux dépendra de la mise en place des bonnes conditions pour la réussite du projet. En effet, il faut éviter de reproduire les mêmes lacunes que l’on observe dans les hôpitaux aujourd’hui. Certaines interdictions légales présentement en vigueur empêcheraient également le développement du plein potentiel de ces nouveaux établissements si elles n’étaient pas levées, notamment celles qui touchent la pratique mixte et l’hospitalisation des patients. Ce cahier présentera tous ces éléments à éviter ainsi que les conditions à mettre en place afin d’assurer un fonctionnement réussi des mini-hôpitaux.

Les contours du projet des mini-hôpitaux

Avant de présenter les conditions nécessaires au succès des mini-hôpitaux, il est important de faire un décompte de ce que l’on a appris à ce jour(3) concernant ce projet du gouvernement québécois.

D’abord, le but ultime de ces mini-hôpitaux est d’améliorer l’accès des Québécois aux services de première ligne, de désencombrer les salles d’urgence et de « compléter l’offre de services existante(4) ». Qui plus est, alors que les soins seront financés par la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ), la gestion des établissements sera assurée par le privé(5). Les deux mini-hôpitaux seront construits d’ici 2025 dans la région de la Capitale-Nationale et dans le secteur de l’est de l’île de Montréal, et ils seront spécialisés respectivement en pédiatrie et en gériatrie(6).

Ces établissements seront munis d’une salle d’urgence pour des cas mineurs(7) ouverte 24 heures sur 24. Des patients seront dirigés vers ces établissements après le triage secondaire effectué par les techniciens ambulanciers ou par l’entremise du 8-1-1 et du Guichet d’accès à la première ligne numérique.

Le but de ces mini-hôpitaux est d’améliorer l’accès des Québécois aux services de première ligne, de désencombrer les salles d’urgence et de « compléter l’offre de services existante ».

Au-delà des services d’urgence ambulatoires, les mini-hôpitaux offriront des services professionnels interdisciplinaires et veilleront à ce que chaque patient soit vu par le professionnel de santé approprié(8). Les équipes interdisciplinaires comprendront des médecins de famille participant à la RAMQ, des infirmières praticiennes spécialisées, des travailleurs sociaux, des psychologues, des physiothérapeutes ainsi que d’autres professionnels de la santé. Des cliniques externes et des services de laboratoire (radiologie, échographie) s’y retrouveront également afin de fournir une large gamme de soins. Des civières pour observation allant jusqu’à 12 heures ainsi que des civières-lits d’observation, d’investigation et de traitements brefs pour des séjours de 24, 48 et 72 heures seront disponibles. Toutefois, les patients ayant besoin d’une hospitalisation de longue durée ne seront pas traités dans ces mini-hôpitaux(9). En fait, le gouvernement ne prévoit pas inclure dans les mini-hôpitaux la capacité d’effectuer des chirurgies en bloc opératoire(10).

Le coût de leur construction a été estimé à 35 millions de dollars chacun(11). Ce montant serait toutefois entièrement financé par le secteur privé.

Deux appels d’intérêt invitant « les partenaires potentiels à manifester leur intérêt(12) » ont été lancés en mars 2023 afin de « préciser les conditions générales, le concept clinique et les modalités du projet ». Plusieurs autres détails sur le projet sont encore à venir, par exemple ceux concernant le mode de financement ou le nombre de civières qui seront disponibles.

CHAPITRE 1 – Créer une ouverture du système actuel et de la concurrence

1.1 La présence d’établissements privés à but lucratif est la norme ailleurs dans le monde

Le projet des mini-hôpitaux privés peut paraître ambitieux, mais il s’agit d’une pratique bien établie dans plusieurs pays (voir la Figure 1-1). En fait, les systèmes hospitaliers mixtes, avec une participation du secteur privé, représentent la norme dans les pays développés, où la couverture universelle et le secteur privé coexistent. On y retrouve souvent trois types d’hôpitaux différents(13) :

  • Hôpitaux publics
  • Hôpitaux privés à but non lucratif
  • Hôpitaux privés à but lucratif, à l’image du projet actuel de mini-hôpitaux

En France, par exemple, peu importe le type d’hôpital, ils sont tous majoritairement financés à l’activité par des fonds publics(14). Les trois types d’hôpitaux offrent des soins médicaux de courte durée, chirurgicaux et obstétricaux, mais avec différentes spécialisations. Les hôpitaux publics assurent les deux tiers des capacités de traitement en soins médicaux de courte durée et assurent une gamme d’interventions chirurgicales plus large que les hôpitaux à but lucratif. Bien que les hôpitaux privés à but lucratif fournissent également de tels services et effectuent plus de la moitié de toutes les interventions chirurgicales, ils ont tendance à se concentrer sur une gamme plus étroite de procédures techniques (comme les procédures de diagnostic invasives) et se spécialisent dans les procédures de routine avec des séjours hospitaliers courts et prévisibles. Environ les deux tiers de toutes les interventions chirurgicales réalisées en mode ambulatoire sont fournis par des hôpitaux à but lucratif. Les interventions chirurgicales effectuées dans le secteur privé à but non lucratif sont, quant à elles, principalement liées au traitement du cancer(15).

Comme l’illustre la Figure 1-1, le cas du Québec(16), et celui du Canada par extension, représente une anomalie sur la scène internationale avec une absence (quasi) totale d’établissements privés à but lucratif. Une participation importante de ces derniers est en effet la norme dans les pays industrialisés dotés d’un système de santé à couverture universelle.

1.2 Les bénéfices d’une ouverture à la concurrence du privé

Ce qu’il est important de retenir à propos des pays ayant adopté un système de santé mixte est le fait que ce n’est pas la présence du privé comme telle qui améliore l’accessibilité aux soins et leur efficacité, mais plutôt l’ouverture à l’entrepreneuriat, la flexibilité et l’injection de concurrence et d’innovation qui s’ensuivent dans un système autrement sous monopole public. En d’autres mots, les bénéfices découlent du fait qu’il n’y a plus un fournisseur de soins unique, mais plutôt un éventail de fournisseurs différents, et ce, peu importe qu’il s’agisse de gestionnaires privés, communautaires ou à but non lucratif.

Lesdits bénéfices incluent une stimulation dans les modèles de gestion et les façons de mieux faire concernant les soins de santé puisque les prestataires s’efforcent de se différencier en proposant des traitements et des services nouveaux et innovants. La concurrence fonctionne lorsque cette différenciation a pour effet d’attirer plus de patients, plus de revenus, et conséquemment plus de succès (sous forme de profits accrus pour les fournisseurs à but lucratif, ou d’autres effets positifs pour les autres) vers les établissements les plus efficaces et innovants. Il est donc important d’intégrer des mécanismes de marché qui comportent de telles récompenses pour les fournisseurs, leurs gestionnaires et leurs employés, de façon à les encourager à prendre des décisions qui améliorent les services qu’ils offrent, ce qui n’est presque jamais le cas dans un système monopolistique avec des pratiques uniformes où les décisions sont centralisées.

Les systèmes hospitaliers mixtes représentent la norme dans les pays développés, où la couverture universelle et le secteur privé coexistent.

La concurrence entraîne ainsi une amélioration de la qualité des soins, au bénéfice des patients. Du côté des professionnels de la santé, ceux-ci ont le choix entre différents employeurs qui sont incités à leur offrir des conditions de travail attrayantes, telles que des quarts de travail flexibles, afin de les attirer ou de les garder en place. Autrement, ils ont l’option de changer d’employeur, ce qui n’est pas le cas dans un système de santé monopolistique comme celui que l’on trouve actuellement au Québec.

Il importe de rappeler que le Québec compte déjà plusieurs exemples illustrant les bénéfices d’une ouverture à la concurrence (voir l’Encadré 1-1). Dans le même ordre d’idées, les mini-hôpitaux devraient servir de milieux propices à l’innovation où de nouvelles techniques et modèles de gestion seront mis au banc d’essai, que ce soit sur le plan des opérations médicales ou de l’organisation des tâches connexes.

* * *

Encadré 1-1 – Deux exemples de succès en matière d’ouverture des soins à la concurrence au Québec

Le cas des hygiénistes depuis 2020
Depuis 2020, les hygiénistes dentaires ne sont plus tenus de travailler pour un dentiste. Les hygiénistes peuvent donc exercer à leur compte, soit dans leur propre cabinet, soit en proposant des services mobiles, sans la supervision d’un dentiste. Il est estimé qu’entre 15 et 20 cliniques privées de ce type ont ouvert leurs portes depuis 2020 dans la province. Il s’agit là d’une solution de rechange à la fois pour les patients ayant besoin de soins préventifs et pour les hygiénistes en ce qui concerne leur employeur(1). De plus, ces nouvelles cliniques élargissent l’accès aux services essentiels qu’offrent les hygiénistes, et ce, à un coût moindre pour le patient puisque celui-ci n’a plus à payer systématiquement deux professionnels comme c’était le cas jusqu’en 2020, à savoir le dentiste et l’hygiéniste dentaire. En fait, la concurrence entre les hygiénistes en Ontario a permis de faire baisser de 30 % les barèmes des services d’hygiène buccale pour les patients(2). La plus grande mobilité des hygiénistes permet aussi de soigner plus facilement la clientèle à risque, comme les aînés, les personnes en perte d’autonomie ou à mobilité réduite et les personnes habitant en région éloignée(3).

Les centres médicaux spécialisés
Les centres médicaux spécialisés (CMS) sont un autre exemple d’ouverture à la concurrence. On en compte 73 dans la province en date d’avril 2023(4). Les CMS visent à augmenter la capacité chirurgicale du système de santé et à raccourcir les listes d’attente pour les opérations non urgentes qui ne nécessitent pas d’hospitalisation. Tous les CMS sont gérés de façon indépendante, et la majorité d’entre eux (50) sont des CMS dits participants(5), où l’offre de services et les honoraires des médecins sont couverts par la RAMQ. S’il est vrai que du point de vue des prestataires de soins, les CMS représentent un autre employeur potentiel, du côté des patients, les services chirurgicaux couverts par la RAMQ ne leur sont accessibles dans certains cas qu’après une attente de plus de six mois sur les listes d’attente(6). Ce n’est qu’à ce stade que l’hôpital ayant prescrit l’opération propose au patient l’option d’être opéré dans un CMS avec lequel l’hôpital a une entente(7). (Voir l’Annexe A pour plus d’informations sur les CMS.)

1. Cimon Charest, « Deux cliniques d’hygiénistes dentaires dans l’Est-du-Québec », TVA Nouvelles, 8 février 2022.
2. Gouvernement du Canada, Bureau de la concurrence Canada, Comment nous favorisons la concurrence, Promotion de la concurrence, Une dose de concurrence contre le rhume, 20 janvier 2022. Des études similaires pour le cas du Québec n’ont pas encore été effectuées, en partie en raison du fait que la pratique autonome des hygiénistes dentaires a seulement été autorisée en 2020. Toutefois, il est raisonnable de croire que l’effet au Québec est semblable à ce que l’on observe en Ontario.
3. Frederic Khalkhal, « Les hygiénistes dentaires, une solution abordable », Le Journal de Chambly, 11 décembre 2022.
4. Ministère de la Santé et des Services sociaux, Professionnels, Permis, Obtention d’un permis de centre médical spécialisé (CMS), Liste des centres médicaux spécialisés ayant reçu un permis, 5 avril 2023.
5. Près du tiers des CMS, communément appelés CMS non participants, sont gérés de façon complètement détachée du réseau public, c’est-à-dire que les médecins qui y travaillent ne participent pas au régime d’assurance maladie du Québec et les patients doivent débourser de leur poche les frais engendrés par la demande de services.
6. Nadia Benomar et Marie-Hélène Jobin, Portrait des tendances et des pratiques de la chirurgie ambulatoire, Pôle santé HEC Montréal, juin 2021, p. 11.
7. Ibid., p. 8.

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CHAPITRE 2 – Assurer un financement adéquat

2.1 Pour un financement à l’activité

Les hôpitaux du Québec traversent une période de transformation à l’égard de leur mode de financement. Il est prévu qu’à la fin de 2023, 25 % des hôpitaux de la province seront financés à l’activité selon des barèmes qui « [mettront] en concurrence les établissements publics et privés afin d’obtenir le meilleur prix pour une intervention chirurgicale(17) ».

Pour le moment, les hôpitaux existants sont financés par des budgets fixes dont les montants sont déterminés selon le volume d’activité de l’année précédente, plus un certain pourcentage pour tenir compte de l’inflation(18). Bien que le gouvernement ait l’intention d’imposer graduellement le financement à l’activité à chacun des établissements hospitaliers du Québec, on ne sait pas encore si ce mécanisme de financement sera également appliqué aux mini-hôpitaux.

Il est clair que les budgets fixes comportent plusieurs désavantages qui nuiraient au succès des mini-hôpitaux. Par exemple, chaque patient qui se fait soigner à l’hôpital représente un coût pour l’établissement, puisque le budget est établi indépendamment du nombre de patients que l’hôpital traite durant l’année courante. Cela a pour effet de réduire l’incitation à accroître l’accès aux services, puisque chaque patient additionnel vient gruger davantage le budget de l’hôpital.

Les mécanismes de financement à l’activité encouragent l’efficacité et l’innovation, mais aussi la maîtrise des coûts et la responsabilisation.

La performance de l’établissement n’est pas non plus prise en considération lors de la détermination du budget fixe, ce qui élimine toute incitation à innover et à améliorer l’efficience dans la gestion de l’hôpital. Les hôpitaux moins efficaces demeurent donc sous-performants sans en subir les conséquences, alors que les hôpitaux performants doivent gérer leur budget plus étroitement, car leur financement n’augmente pas en fonction du nombre de patients soignés. Ils ne bénéficient non plus d’aucun avantage à maintenir leur niveau de performance.

Enfin, les budgets fixes permettent difficilement de répondre à un accroissement soudain de la demande et n’encouragent pas la transparence, puisque les gestionnaires n’ont aucune incitation à assurer un suivi des dépenses ni à cibler d’éventuelles sources de gaspillage des ressources.

Le mode de financement à l’activité, en revanche, pallie plusieurs lacunes des budgets fixes. Si les mini-hôpitaux y étaient assujettis, ils pourraient bénéficier des avantages découlant d’un type de financement qui est axé sur le patient.

Le financement à l’activité consiste à rembourser des centres de soins sur la base d’un système de classification qui standardise les coûts de traitement des patients. Les hôpitaux reçoivent un montant fixe pour chaque patient qu’ils traitent en fonction de l’opération qui a eu lieu et de la gravité des problèmes médicaux. Les mécanismes de financement à l’activité encouragent ainsi l’efficacité et l’innovation, mais aussi la maîtrise des coûts et la responsabilisation, puisque les hôpitaux reçoivent un prix fixe par intervention, quel que soit le montant réellement dépensé pour traiter le patient. Par conséquent, si un hôpital peut sécuritairement traiter un patient à un coût inférieur au barème déterminé, l’établissement peut générer un profit. En revanche, l’hôpital subira une perte nette s’il n’est pas en mesure de fournir le service au barème déterminé, ce qui l’incitera à devenir plus efficient et encouragera la responsabilisation.

À la lumière de ces avantages majeurs, on ne s’étonnera pas du fait que plusieurs pays membres de l’OCDE dotés d’un système de santé universel aient adopté le financement à l’activité au cours des dernières décennies(19).

Toutefois, la plupart de ces pays ont en réalité un système de paiement mixte qui permet d’atténuer certains des inconvénients du financement à l’activité. Il peut en effet y avoir une discordance entre les paiements basés sur l’activité et le contrôle des volumes et des dépenses des hôpitaux. Puisque les fonds suivent le patient, les hôpitaux peuvent être incités à traiter un plus grand nombre de patients et à effectuer plus d’intervention qu’il n’est médicalement nécessaire, faisant ainsi gonfler le financement qu’ils recevront pour ces activités.

Une autre lacune de ce mode de financement est qu’il incite à accélérer le congé des patients et à accroître la charge de travail du personnel, ce qui peut se traduire par une réduction de la qualité des soins. Le cas d’un barème administratif fixé à un niveau artificiellement bas par les pouvoirs publics est un bon exemple. Ainsi, dans des pays tels que l’Angleterre et le Danemark, de 63 % à 80 % des opérations sont financées à l’activité (voir la Figure 2-1), le reste étant financé par des méthodes comme des paiements fixes qui couvrent les coûts supplémentaires liés aux cas extrêmes, des paiements pour la performance et des paiements basés sur le choix du patient(20). Le Québec devra trouver un point d’équilibre entre ces incitations contradictoires qui conviendra à ses besoins et à ses particularités pour le projet des mini-hôpitaux afin de permettre un financement à l’activité adéquat et suffisant.

2.2 Prévoir une enveloppe budgétaire suffisante

Un deuxième élément-clé dans le financement des mini-hôpitaux est l’enveloppe budgétaire qui leur sera accordée, et ce, aussi bien au titre de l’exploitation qu’à celui des immobilisations.

Enveloppe budgétaire d’exploitation suffisante

Le gouvernement doit prévoir un budget dédié aux fonds d’exploitation des mini-hôpitaux suffisant pour couvrir leur volume d’activité. Les coûts d’exploitation comprennent généralement les salaires, les coûts administratifs, les fournitures et les autres dépenses liés aux activités de la période courante(21). C’est un enjeu particulièrement important dans un contexte de financement à l’activité, car un quota, qu’il soit établi selon le nombre de patients ou en plafonnant le financement à l’acte, représenterait essentiellement une nouvelle forme de rationnement des soins. Ceci pourrait forcer les hôpitaux à refuser des patients, limitant du coup l’incidence positive des mini-hôpitaux sur le réseau hospitalier.

Imposer une limite aux soins prodigués dans les mini-hôpitaux en raison d’un manque de financement pourrait annuler les gains de productivité découlant d’une gestion assurée par des entrepreneurs (voir la section 3.1 ci-dessous). On doit donc veiller à garantir aux gestionnaires une flexibilité dans leur budget pour éviter une utilisation sous-optimale des ressources et pour rentabiliser leurs investissements. Un établissement qui atteint son quota d’interventions ne sera pas incité à innover afin d’augmenter sa capacité à traiter plus de patients, même si ses ressources sont sous-utilisées.

La cible du taux d’utilisation des salles d’opération est de 85 %, mais seulement 30 % des centres hospitaliers de la province avaient atteint cet objectif en 2017-2018.

L’exemple des blocs opératoires dans le réseau hospitalier public est révélateur(22). La cible du taux d’utilisation des salles d’opération est de 85 %, mais seulement 30 % des centres hospitaliers de la province avaient atteint cet objectif en 2017-2018, bien avant la pandémie. Les raisons de cette sous-utilisation sont multiples : pénurie de main-d’œuvre, manque d’équipement et manque de soutien financier(23). Il faut donc prévoir suffisamment de fonds pour assurer une utilisation continue des installations, surtout si l’on veut éviter de se retrouver avec des infrastructures médicales neuves, mais vides.

Enveloppe budgétaire pour financer les immobilisations

La deuxième enveloppe budgétaire à ne pas sous-estimer concerne le financement des immobilisations des nouveaux mini-hôpitaux. Les fonds d’immobilisation couvrent des dépenses qui seront utiles au-delà de la période courante, y compris des frais d’équipement, de construction, de location, de maintien et de rénovation, ainsi que l’amortissement de ces frais.

Différentes options pour le financement des immobilisations sont envisageables, comme l’inclusion des coûts d’immobilisation dans les barèmes relevant du financement à l’activité. Une autre option, partielle celle-là, serait de permettre d’utiliser les capacités résiduelles pour soigner des patients non couverts par la RAMQ (voir section 2.3 ci-dessous). Enfin, on peut avoir recours au financement direct, qui consiste à rembourser les entrepreneurs privés pour la construction et l’entretien de l’immeuble à long terme, etc.

Ce qui est certain, c’est que les gestionnaires des mini-hôpitaux doivent être en mesure de couvrir leurs coûts d’immobilisation, et ce, avec une certaine flexibilité. Sans une possibilité de rentabilité suffisante, aucun entrepreneur ne sera intéressé à investir. Un tel financement doit être considéré par le gouvernement au moment d’élaborer le projet.

Suivre le modèle de financement des GMF?

Bien des détails sont encore inconnus, et les appels d’intérêt lancés par le gouvernement ont notamment pour but d’éclaircir des aspects incertains du projet, dont ceux concernant le financement. Lors de la conception initiale du projet, le gouvernement a avancé l’idée que les mini-hôpitaux constitueraient un amalgame des groupes de médecine familiale (GMF) et des hôpitaux conventionnels, qui adopteraient un mode de financement similaire aux GMF(24). Dans ce modèle de financement, quoique complexe, une portion du financement public des GMF dépend du nombre de patients inscrits. Quant aux GMF-R, soit des GMF offrant des services rapides de première ligne aux patients n’ayant pas de médecin de famille, ils reçoivent un financement basé sur le nombre de consultations octroyées dans ce contexte de clinique externe(25). Dans les deux cas, cette méthode de financement s’apparente au financement à l’activité, une condition importante au succès du projet de mini-hôpitaux, et pourrait servir de modèle après avoir été adaptée au fonctionnement de ces derniers.

2.3 Ne pas interdire l’utilisation des capacités résiduelles en tant qu’autre source de financement

Selon les plans actuels, ce seront exclusivement des opérations couvertes par la RAMQ qui auront lieu dans les mini-hôpitaux. Toutefois, il serait avantageux de leur permettre d’exploiter toute capacité résiduelle en effectuant des opérations à l’extérieur du régime de la RAMQ.

En disposant d’une telle liberté d’utiliser leurs équipements et infrastructures, les mini-hôpitaux auraient accès à une source de revenus additionnelle, diminuant ainsi leur dépendance aux fonds publics.

À titre d’exemple, les locaux et certaines autres ressources pourraient être loués à des fins privées, à un prix déterminé par les deux parties (le mini-hôpital et les médecins). Dans le même ordre d’idée, les mini-hôpitaux devraient être autorisés à utiliser leur capacité résiduelle ou excédentaire afin de servir une clientèle qui n’est pas couverte par la RAMQ, comme les patients au privé, les étudiants étrangers, les travailleurs étrangers, les diplomates, etc.

En termes d’effectifs pour le bassin potentiel, l’Institut du Québec avait estimé en 2022 à 111 600 le nombre d’étudiants étrangers(26) et de travailleurs étrangers temporaires dans la province(27). Il s’agit donc d’une population de taille considérable qui pourrait bénéficier de soins dans les mini-hôpitaux par l’intermédiaire de l’exploitation de la capacité résiduelle. Toutefois, les mini-hôpitaux ne pourront utiliser leur capacité résiduelle à ces fins que si l’interdiction concernant la pratique mixte est levée (voir le Chapitre 4). Plus précisément, la Loi sur l’assurance maladie du Québec(28) empêche les médecins participant au système public à travailler en dehors de celui-ci pour ce qui est des services médicaux déjà couverts par la RAMQ. Cette section de la loi doit donc être modifiée de manière à offrir aux médecins la liberté de soigner simultanément les patients issus des secteurs privé et public.

Les mini-hôpitaux devraient être autorisés à utiliser leur capacité résiduelle ou excédentaire afin de servir une clientèle qui n’est pas couverte par la RAMQ.

Le Québec pourrait également envisager de suivre l’exemple du Royaume-Uni qui, depuis la fin des années 1990, délègue au secteur privé la responsabilité de concevoir, de construire et de gérer des hôpitaux au nom du National Health Service (NHS)(29). Dans le cadre de ces ententes, des entreprises privées financent généralement la construction des hôpitaux, et cette dette portant intérêt est amortissable sur plusieurs décennies par le NHS(30). Les risques liés aux retards de construction, aux dépassements de coûts et à la maintenance des actifs sont donc transférés aux partenaires du secteur privé(31). Ces hôpitaux demeurent des prestataires de soins de santé financés par des fonds publics avec les mêmes codes de déontologie pour le personnel soignant. Il s’agit d’un exemple à considérer afin d’offrir aux entrepreneurs québécois la possibilité d’obtenir un retour sur investissement.

Dans le même ordre d’idée, les mini-hôpitaux pourraient s’inspirer du mode de financement des centres médicaux spécialisés (CMS) participants de la province. En effet, les montants que reçoivent ces établissements pour effectuer des chirurgies d’un jour pour le réseau public sont négociés avec les établissements de santé et incluent une marge de profit(32). Les mini-hôpitaux, par l’entremise de leur financement à l’activité, pourraient ainsi recevoir des montants ajustés aux ententes entre le gouvernement et les entrepreneurs qui seront chargés de leur construction.

CHAPITRE 3 – Permettre une gestion flexible

L’entité qui sera chargée de gérer les mini-hôpitaux n’est pas encore connue, mais il pourrait s’agir d’une entreprise de gestion indépendante. Les gestionnaires devront respecter des critères rigoureux à l’égard de la qualité des soins. Au-delà de ces obligations, toutefois, les gestionnaires doivent disposer d’une marge de manœuvre quant à la gestion du personnel soignant et des services auxiliaires.

3.1 Une autorité de surveillance et de régulation favorable à l’ouverture

Il est déjà prévu que les mini-hôpitaux ne seront pas gérés par un CI(U)SSS. Le gouvernement a aussi exprimé « [qu’]il n’est pas prévu d’établir un cadre de gestion comme celui des GMF(33) ». Ainsi, il est plausible que les mini-hôpitaux soient gérés par une entité telle qu’une entreprise de gestion. À cet égard, la Loi canadienne sur la santé n’interdit pas la gestion d’hôpitaux par des entrepreneurs ou des organismes à but lucratif. Le gouvernement du Québec est donc en droit de déléguer la gestion de ses (mini-) hôpitaux à de telles entités indépendantes, et cela constitue d’ailleurs une des conditions préalables permettant d’en assurer les meilleures chances de succès.

Le Québec pourrait ainsi reproduire l’expérience d’autres pays où des entrepreneurs gèrent certains hôpitaux, tels que la Suède(34) et le Royaume-Uni. En effet, au Royaume-Uni, il existe plus de 140 hôpitaux privés gérés par des entreprises qui fournissent des soins dans le système public et qui reçoivent des fonds publics(35). Habituellement, ces hôpitaux sont gérés comme des entreprises, avec un accent mis sur la génération de bénéfices pour leurs propriétaires et actionnaires. Cependant, ils sont tenus de fournir des soins aux patients du NHS de la même manière que les hôpitaux faisant partie du secteur public, et ils sont soumis aux mêmes inspections et normes réglementaires.

En Suède, on retrouve six hôpitaux gérés par des entrepreneurs, mais financés par des fonds publics(36). On retrouve d’ailleurs un tel partenariat public-privé au Québec, avec les CHSLD privés conventionnés qui sont opérés par des gestionnaires indépendants et qui sont assujettis aux mêmes obligations que les CHSLD publics en termes de nombre et de qualité des services. Par ailleurs, les visites d’évaluation effectuées dans les CHSLD de la province révèlent que les CHSLD privés conventionnés offrent une meilleure qualité de vie que les établissements gérés par l’État(37).

Il est indispensable que le contrôle de la qualité soit objectif et indépendant, dans l’esprit du respect de l’ouverture du système actuel à la concurrence.

Ces types de partenariats permettent de tirer profit des ressources et des compétences en gestion du secteur privé. De cette façon, les gestionnaires des hôpitaux peuvent offrir d’importants avantages aux patients et aux travailleurs, tels que la réduction du gaspillage de ressources (voir section 3.3 ci-dessous) et l’apport d’idées innovantes axées sur l’amélioration des soins de santé et des conditions de travail. Après tout, les contraintes principales liées aux efforts d’amélioration du système de santé sont le manque de responsabilisation, une communication inadéquate et une culture de travail rigide, ce qui conduit à la démoralisation des équipes d’exécution des programmes(38).

La supervision de la qualité des soins est une préoccupation importante, que ce soit dans le réseau public ou privé. Au Québec, les CI(U)SSS sont généralement responsables d’assurer la qualité des soins prodigués à la population de leur territoire(39). Plus spécifiquement, les établissements publics gérés par des conseils d’administration ont un comité de vigilance et de la qualité(40). Les CI(U)SSS sont également responsables de la vigilance dans le contexte des CHSLD privés conventionnés.

Toutefois, les CMS relèvent d’un système différent : s’ils veulent poursuivre leurs activités, ils sont dans l’obligation d’obtenir et de conserver un agrément d’Agrément Canada, un organisme indépendant évaluant les organismes de santé. Celui-ci se base sur des normes établies, entre autres, par l’Organisation de normes en santé(41).

Étant donné la nature hybride des mini-hôpitaux, il serait plus raisonnable de les soumettre aux évaluations d’Agrément Canada, une organisation ayant développé une expertise en la matière et la seule présentement reconnue par le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS), plutôt que de les placer sous le contrôle d’un CI(U)SSS. L’approbation d’Agrément Canada pourrait, le cas échéant, être combinée à la vigilance des ordres professionnels qui surveillent leurs membres afin d’assurer le respect de leur code de déontologie.

Dans tous les cas, il est indispensable que le contrôle de la qualité soit objectif et indépendant, dans l’esprit du respect de l’ouverture du système actuel à la concurrence. De cette façon, les risques de rigidité excessive résultant d’une évaluation inadaptée de la qualité des soins seraient réduits au minimum.

3.2 Permettre une gestion flexible du personnel médical

L’une des conditions préalables les plus importantes pour assurer la réussite des mini-hôpitaux est qu’ils aient la possibilité de repenser intégralement l’organisation du travail et qu’ils aient le contrôle sur la gestion de leur personnel soignant. Pour ce faire, il leur faudra s’émanciper des structures rigides propres au secteur public et notamment éviter l’obligation de syndicalisation et l’imposition de conventions collectives. Les employés et employeurs dans les mini-hôpitaux ne doivent pas être assujettis aux conventions collectives présentes dans le réseau public ou, à tout le moins, les dispositions les plus paralysantes de ces conventions devront être évitées.

Éviter d’imposer aux mini-hôpitaux les conventions collectives du secteur public permettrait de créer un environnement plus propice à l’efficience et à l’innovation.

À cet égard, une étude de HEC Montréal et du CIRANO a conclu que « [l]es conventions collectives, les ententes avec les fédérations [ainsi que] les processus de gestion et d’autorisation sont peu favorables au développement d’un environnement efficient et donc à l’innovation(42) ». Ainsi, éviter d’imposer aux mini-hôpitaux les conventions collectives du secteur public de la santé permettrait de créer un environnement plus propice à l’efficience et à l’innovation. Ceci s’appliquerait tant sur le plan des opérations médicales que sur celui de l’organisation du travail, au grand bénéfice des patients. Il convient de sortir des sentiers battus pour parvenir à atteindre une efficience supérieure dans les mini-hôpitaux.

3.3 Permettre une gestion flexible des services auxiliaires

Outre le contrôle de la gestion du personnel, les gestionnaires de mini-hôpitaux devraient être en mesure de gérer de manière flexible l’approvisionnement des services auxiliaires, tels que la sécurité, les services d’entretien et l’achat d’aliments, de logiciels informatiques, d’équipements médicaux, etc. En d’autres mots, il faut laisser les gestionnaires choisir librement leur modèle d’approvisionnement, à condition qu’ils remplissent les normes de qualité exigées. De cette façon, les mini-hôpitaux pourraient suivre de près l’évolution rapide des technologies et du savoir-faire en matière d’hospitalité (restauration, buanderie, aménagements des locaux, mais aussi équipements médicaux, etc.). Ils pourraient aussi mieux s’adapter aux besoins en constante évolution des patients, et ce, à moindre coût.

Si les mini-hôpitaux devaient être assujettis aux mêmes règles d’approvisionnement relativement rigides que les hôpitaux publics, ces bénéfices ne seront jamais réalisés. Par exemple, les centres hospitaliers du système public doivent passer par le Centre d’acquisitions gouvernementales (CAG), un organisme qui administre aussi les processus d’appels d’offres, pour faire approuver les achats groupés d’équipement et de fournitures(43). Malgré les promesses du gouvernement énoncées en 2019(44), la règle du plus bas soumissionnaire est toujours appliquée dans l’attribution des contrats publics dans le domaine de la santé. Ainsi, des facteurs comme la valeur globale offerte à long terme et l’encouragement à l’innovation ne sont pour l’instant pas pris en compte quand vient le temps de se procurer des équipements médicaux dans les hôpitaux. Les gestionnaires des mini-hôpitaux devraient avoir la liberté de choisir les équipements qu’ils jugent les plus appropriés et susceptibles de répondre le mieux à leurs besoins, que ceux-ci soient les moins dispendieux ou non.

3.4 Permettre la réduction de la paperasse superflue

Un autre moyen d’assurer une efficience supérieure dans les mini-hôpitaux est de laisser toute la latitude à leurs gestionnaires pour limiter la paperasse qui paralyse actuellement les professionnels de la santé(45). L’un des premiers éléments à restructurer pourrait être la quantité de formulaires et de tâches administratives que doivent remplir les médecins, ce qui les empêche de soigner plus de patients. Ces formulaires peuvent comprendre divers types de demandes : assurance invalidité pour salaire, assurance pour hypothèque, assurance pour prêt personnel, assurance pour voyage, assurance vie, permis de conduire, etc.(46).

Les médecins du Canada consacrent près de 19 millions d’heures annuellement à des activités administratives connexes.

En fait, un rapport récent de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante a révélé que les médecins du Canada consacrent près de 19 millions d’heures annuellement à des activités administratives connexes(47). Ces heures perdues représentent l’équivalent de plus de 55 millions de consultations médicales par an. Ce même rapport a estimé que si la paperasse futile était éliminée ou confiée à d’autres professionnels, plus de 13 millions de consultations médicales supplémentaires pourraient être offertes chaque année au Québec. Même si seulement 10 % de ces tâches étaient éliminées, les conditions de travail des médecins seraient améliorées et le taux d’épuisement professionnel serait réduit(48) (voir la Figure 3-1). De plus, selon une enquête menée en 2020 auprès de médecins en Nouvelle-Écosse, 38 % des tâches administratives des médecins ont été identifiées comme étant superflues et pouvant être effectuées par d’autres employés (24 %) ou simplement éliminées (14 %).

Il est donc primordial de permettre aux entrepreneurs d’innover et de trouver des solutions pour alléger la paperasse dans les mini-hôpitaux afin de veiller à ce que le plus grand nombre de patients possible puissent être pris en charge par les médecins. Les médecins pourraient ainsi bénéficier de jusqu’à 9,7 heures supplémentaires de consultations par tranche de 40 heures de travail si on leur épargnait des tâches administratives superflues et de la paperasse, tel qu’illustré par un sondage de 2022. Le gouvernement du Québec doit donc envisager de laisser les mini-hôpitaux aller de l’avant avec la simplification et l’élimination des formulaires superflus, à l’instar de la Nouvelle-Écosse, qui s’est engagée à réduire de 50 000 heures le temps que les médecins consacrent à des tâches inutiles d’ici la fin de 2023(49).

CHAPITRE 4 – Lever les obstacles réglementaires et législatifs les plus restrictifs

Il existe présentement des obstacles réglementaires qu’il faudra alléger ou abolir pour que les mini-hôpitaux connaissent les meilleures chances de succès dès leur ouverture. Ces obstacles incluent :

  • l’interdiction de la pratique mixte;
  • les freins à l’égard de l’augmentation de l’offre de personnel soignant;
  • l’interdiction concernant l’hospitalisation de plus de 24 heures;
  • les règlements des plans régionaux d’effectifs médicaux (PREM) qui restreignent la mobilité des médecins.

4.1 Lever l’interdiction de la pratique mixte

L’interdiction pour les médecins de pratiquer à la fois dans le système public et dans le système privé en ce qui concerne les actes médicaux déjà assurés par la RAMQ est encadrée par l’article 22 de la Loi sur l’assurance maladie du Québec(50). En d’autres mots, il est interdit pour un médecin qui est rémunéré par des fonds publics, communément appelé un médecin participant, d’exercer à la fois dans les secteurs privé et public pour les mêmes soins de santé(51).

Or, il faut savoir que la pratique médicale mixte n’est pas expressément interdite par la Loi canadienne sur la santé. C’est le Québec qui impose une telle restriction à ses professionnels de la santé. Le gouvernement provincial serait donc bien dans ses droits de lever cette interdiction, ce qui entraînerait de nombreux avantages(52).

  • En premier lieu, la pratique mixte est une condition nécessaire pour que les mini-hôpitaux puissent utiliser pleinement leur capacité résiduelle (voir section 2.3), dans la mesure où les services seraient alors prodigués à une clientèle privée. La pratique mixte est donc aussi une condition préalable pour que les mini-hôpitaux aient accès à une source de revenus additionnelle.
  • Deuxièmement, permettre aux médecins de travailler à la fois dans les secteurs public et privé présente l’avantage d’une utilisation plus efficace du personnel médical hautement qualifié. En effet, le temps inutilisé en raison du rationnement des soins dans le secteur public pourrait être utilisé pour traiter des patients en contexte privé, ce qui augmenterait le volume total des services fournis. De plus, travailler dans le secteur privé peut améliorer les connaissances et les compétences techniques des médecins, ce qui augmente la qualité globale des soins dispensés, y compris dans le système public. De même, les professionnels ayant une double pratique auraient un incitatif supplémentaire pour bien performer au public afin de se bâtir une bonne réputation pour leur travail au privé(53).
  • Enfin, en autorisant la pratique mixte, le Québec viendrait rejoindre un grand nombre de pays développés (voir le Tableau 4-1) ainsi que les quatre provinces canadiennes qui ne l’interdisent pas, à savoir le Manitoba, la Nouvelle-Écosse, l’Île-du-Prince-Édouard et Terre-Neuve-et-Labrador(54).

Une objection souvent soulevée contre l’autorisation de la pratique mixte est qu’elle entraînerait une diminution du nombre d’heures de travail dans le système public. Pourtant, l’expérience internationale montre que les médecins exerçant dans des pays qui autorisent la pratique mixte, comme l’Australie(55) et le Danemark(56), ne consacrent pas moins de temps à la prise en charge de patients du système public que leurs homologues pratiquant uniquement dans le secteur public. De toute façon, la crainte d’un exode pourrait être apaisée par la mise en place, au besoin, d’un nombre minimal d’heures de travail dans le système public, comme cela a été fait en Angleterre en 2003(57).

Les médecins exerçant dans des pays qui autorisent la pratique mixte ne consacrent pas moins de temps à la prise en charge de patients du système public.

Or, de telles préoccupations émergent parce que l’offre de médecins est limitée. D’autres mesures devraient être prises pour accroître le nombre de professionnels médicaux.

4.2 Lever les obstacles à la formation et à l’intégration de nouveau personnel médical

La méthode la plus directe est d’augmenter le nombre d’étudiants admis chaque année dans les différents programmes des facultés de médecine. Non seulement ce nombre est-il trop faible(58) aujourd’hui pour qu’il soit possible de subvenir aux besoins grandissants de la population, mais en plus, il n’est pas garanti que chaque étudiant qui termine ses études exercera sa profession dans la province, ni même que chaque étudiant admis terminera ses études et deviendra médecin.

Faciliter la reconnaissance des compétences des professionnels des autres provinces et pays pourrait également contribuer à résoudre la pénurie actuelle. Il est reconnu qu’il s’agit généralement d’un processus long et difficile. De nombreux Canadiens ayant étudié à l’étranger pourraient venir s’établir et travailler au Québec si la reconnaissance des diplômes était simplifiée(59). À cet égard, le gouvernement ontarien a récemment annoncé le dépôt d’un projet de loi qui permettrait aux professionnels de la santé accrédités dans une autre province canadienne d’exercer leur profession plus facilement en Ontario(60). Le gouvernement du Québec aurait intérêt à suivre cet exemple.

En plus de l’augmentation des effectifs en santé, il faudra aussi faire en sorte de conserver le personnel déjà formé et actif. Dans le contexte actuel, les agences et cliniques privées font souvent office de dernière option pour les professionnels qui s’apprêtent à quitter leur profession du domaine de la santé. Le projet de loi 15(61), s’il est adopté tel quel, abolirait les agences privées et obligerait le personnel infirmier à travailler pour Santé Québec. L’élimination de cette flexibilité risque d’inciter plus de professionnels à changer de profession.

4.3 Lever l’interdiction concernant les hospitalisations de plus de 24 heures

Le projet actuel de mini-hôpitaux ne prévoit pas l’offre de soins nécessitant une hospitalisation. Ceci porte à croire que les mini-hôpitaux seront assujettis aux mêmes règlements que les Centres médicaux spécialisés participants, à savoir que ceux-ci ne sont pas autorisés à hospitaliser les patients pendant plus de 24 heures(62). Les patients présentant des cas simples sont donc dirigés vers les CMS, alors que ceux présentant des cas modérés ou complexes restent dans les hôpitaux.

Le nombre d’étudiants admis chaque année dans les différents programmes des facultés de médecine est trop faible pour subvenir aux besoins grandissants de la population.

Toutefois, certains projets pilotes déjà envisagés autoriseraient certains CMS à hospitaliser leurs patients pour une nuit, et possiblement jusqu’à 72 heures, ce qui leur permettrait d’effectuer des procédures plus complexes(63). Cette contrainte devrait être assouplie davantage et appliquée aux mini-hôpitaux pour assurer une meilleure répartition des cas dans les différents établissements. Notons par ailleurs qu’une telle modification n’entrerait pas en conflit avec la Loi canadienne sur la santé, qui n’interdit pas l’hospitalisation de plus de 24 heures dans des centres de santé comme les CMS ou les futurs mini-hôpitaux. Le cas échéant, ceux-ci devront être dotés d’équipements et de compétences (personnel soignant qualifié pour réaliser des interventions plus complexes) qui leur permettront de prendre en charge de manière adéquate les cas nécessitant une hospitalisation de plus de 24 heures.

Permettre aux mini-hôpitaux d’hospitaliser leurs patients pourrait constituer un facteur de différenciation avec les CMS et favoriser le développement de leurs capacités de manière à diversifier les types de services offerts dans leurs locaux et ainsi alléger davantage la pression sur les hôpitaux publics.

4.4 Ajustement des PREM en fonction de l’ajout des mini-hôpitaux

Les plans régionaux d’effectifs médicaux (PREM) en médecine familiale sont le cadre administratif par lequel le gouvernement répartit les nouveaux effectifs de médecins de famille dans les régions administratives de la province selon les besoins. Chaque région administrative se voit attribuer une cible de recrutement de médecins de famille(64). Les PREM des régions où se situeront les mini-hôpitaux devront refléter l’ajout d’un établissement de santé qui dispensera une gamme variée de services nécessitant des médecins de famille et des spécialistes. Sinon, ces régions pourraient manquer de personnel médical.

Permettre aux mini-hôpitaux d’hospitaliser leurs patients pourrait alléger davantage la pression sur les hôpitaux publics.

Par ailleurs, lorsque les nouveaux médecins de famille obtiennent leur avis de conformité au PREM(65), ils s’engagent à consacrer au moins 55 % de leurs jours de facturation, sur une base annuelle, à la région ou au sous-territoire visé par cet avis de conformité(66). Toutefois, il existe une exception : dans la région de la Capitale-Nationale(67), « un médecin qui ne détient pas d’avis de conformité dans cette région ne peut y effectuer plus de 5 % de ses jours de facturation(68) ». Cette règle pourrait s’avérer problématique dans le cas du mini-hôpital qui s’installerait dans cette région, puisqu’elle réduirait le volume de ressources disponibles pour combler des besoins exceptionnels. Elle devrait donc être levée, ou à tout le moins assouplie.

CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS

La construction de deux nouveaux mini-hôpitaux privés au Québec a le potentiel d’offrir d’importants bénéfices pour les citoyens. Pour que ce potentiel se réalise, plusieurs conditions doivent toutefois être réunies afin de garantir le succès du projet. Ces conditions peuvent être regroupées en quatre énoncés :

  1. ouvrir le système de santé actuel à la concurrence en s’inspirant d’exemples québécois et internationaux;
  2. assurer un financement adéquat grâce au financement à l’activité, à une enveloppe budgétaire suffisante et à des sources additionnelles de revenus;
  3. permettre une gestion flexible du personnel soignant et des services auxiliaires;
  4. lever les interdictions législatives et réglementaires les plus restrictives.

Ces conditions sont cruciales pour créer un environnement favorable à l’innovation et à l’efficience dans le domaine de la santé, tout en garantissant une qualité de soins et un accès équitable aux patients. Si toutes ces conditions sont réunies, elles augmenteront les chances de déploiement optimal du nouveau projet.

Chacune peut être remplie sans contredire la Loi canadienne sur la santé ni compromettre l’universalité du système de santé québécois. Il s’agit de conditions réalisables qui sont déjà présentes dans de nombreux pays développés dotés d’un système de santé universel. Le Québec a donc l’occasion de se mettre à niveau avec ces pays en adoptant un cadre légal et réglementaire qui respecte ces quatre conditions.

Ces conditions sont cruciales pour créer un environnement favorable à l’innovation et à l’efficience, tout en garantissant une qualité de soins et un accès équitable aux patients.

De plus, les bénéfices qui se rattachent au projet ne sont pas limités aux mini-hôpitaux : l’entièreté du système hospitalier pourrait être influencé et prendre exemple sur ces nouveaux établissements. Par exemple, si les mini-hôpitaux proposent des conditions de travail susceptibles d’attirer du personnel ayant quitté le réseau public ou travaillant ailleurs dans ce même réseau, cette situation pourrait contraindre les syndicats à revoir leurs pratiques dans les établissements publics.

De même, la levée des obstacles qui freinent l’augmentation de l’offre de professionnels de la santé pourrait profiter à l’ensemble du réseau hospitalier en faisant augmenter de façon générale la capacité du système, ce qui réduirait les listes d’attente. Les innovations introduites dans les mini-hôpitaux pourraient ensuite être adoptées dans l’ensemble du système hospitalier, ce qui permettrait à celui-ci de bénéficier des gains d’efficience réalisés.

En fin de compte, le succès de ce projet permettra d’offrir à la population québécoise plus de services de santé et une meilleure expérience de soins avec les ressources disponibles.

Annexe A – Les centres médicaux spécialisés

Les centres médicaux spécialisés (CMS) ont été créés en 2006(69) afin de réduire les listes d’attentes des chirurgies électives et d’accroître l’accessibilité de certains services spécialisés. Selon la Loi sur les services de santé et les services sociaux, un CMS est « un lieu aménagé hors d’une installation maintenue par un établissement aux fins de permettre à un ou plusieurs médecins de dispenser à leur clientèle les services médicaux nécessaires pour effectuer une arthroplastie-prothèse de la hanche ou du genou, une extraction de la cataracte avec implantation d’une lentille intraoculaire ou tout autre traitement médical spécialisé déterminé par règlement du gouvernement(70) ».

Il y a deux types de CMS(71) :

  1. Ceux où les médecins pratiquants sont participants (inscrits au régime public d’assurance maladie), appelés CMS participants. Ceux-ci représentent la majorité des CMS et sont au nombre de 50 en date d’avril 2023(72). Les services médicaux nécessaires fournis dans ces centres sont couverts par la RAMQ. Les hôpitaux publics peuvent également conclure des accords avec ces CMS pour réduire les listes d’attente, sous réserve de l’approbation du MSSS. Cet accord permet à l’hôpital de déléguer certains services médicaux spécialisés au CMS pour une durée maximale de cinq ans.
  2. Les 23 autres CMS sont ceux où les médecins pratiquants sont non participants, appelés CMS non participants. Les services médicaux fournis dans ces centres ne sont pas couverts par la RAMQ. Une assurance privée peut couvrir le coût d’une prothèse totale de la hanche ou du genou, ou d’une extraction de la cataracte avec implantation d’une lentille intraoculaire(73). Ces CMS ne peuvent pas conclure d’accords avec les hôpitaux publics, ce qui limite la contribution des médecins non participants à la réduction des listes d’attente du système public.

Compte tenu de l’interdiction de la pratique mixte, un CMS ne peut pas être exploité à la fois par des médecins participants et non participants.

Depuis quelques années, les types de traitements qui sont effectués dans des CMS se sont diversifiés, au grand bénéfice des patients(74). Les ententes entre les CMS participants et les hôpitaux se sont également multipliées(75) pour atteindre le nombre de 28 en date de mars 2021. Ces ententes constituent des contrats selon lesquels les hôpitaux, les CISSS ou les CIUSSS achètent des priorités opératoires(76) dans des CMS participants afin d’augmenter la capacité du réseau et de réduire le temps d’attente des chirurgies. Dans ce cas, les patients du secteur public peuvent se faire opérer dans ces CMS sans frais supplémentaires, car les coûts sont pris en charge par le réseau de la santé et des services sociaux (RSSS). Toutefois, pour avoir accès aux services chirurgicaux couverts par le RSSS, un patient doit être sur une liste d’attente depuis plus de six mois(77). Ce n’est qu’à ce stade que l’hôpital qui a prescrit l’opération peut lui proposer d’être opéré dans un CMS avec lequel il a une entente.

Néanmoins, pour réduire le temps d’attente et ainsi éviter de longues périodes d’invalidité ou retrouver rapidement une qualité de vie satisfaisante, un patient peut choisir de se faire opérer dans un des CMS non participants à ses frais, ou aux frais de son employeur. Les employeurs qui ont signé des ententes particulières avec leur assureur peuvent proposer à leurs employés des chirurgies privées sur approbation du dossier par l’assureur. De même, certains patients découragés ou insatisfaits du délai d’attente pour leur intervention dans le secteur public peuvent choisir de payer pour une intervention dans un centre médical spécialisé privé. Dans les deux cas, c’est au patient de prendre la décision finale.

Les deux types de CMS contribuent donc grandement à l’atteinte de l’objectif de réduction des temps d’attentes fixé par les autorités publiques.

Références

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  7. Bien que le gouvernement n’ait pas encore émis de détails sur la nature exacte de ce qui consiste un cas mineur dans ce contexte, selon les définitions du MSSS, il est raisonnable de croire que les cas mineurs dans ce contexte « regroupent des usagers ayant des raisons de consultation médicales et/ou psychosociales dont la condition clinique ne nécessite pas une mise en civière ». Ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec, Professionnels, Soins et services, Guide de gestion des urgences, Gestion clinique de l’épisode de soins, 26 avril 2020.
  8. Document officiel des appels d’intérêt.
  9. Ibid.
  10. Ibid.
  11. Hugo Pilon-Larose, op. cit., note 6.
  12. Cabinet du ministre de la Santé du Québec, op. cit., note 4.
  13. Valérie Paris, « Les comparaisons internationales des hôpitaux : apports et limites des statistiques disponibles », Revue française d’administration publique, vol. 2, no 174, 2020,p. 370.
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  23. Idem.
  24. Hugo Pilon-Larose, « La CAQ veut construire des “mini-hôpitaux” privés d’ici 2025 », La Presse, 4 septembre 2022.
  25. Marianne Casavant, « Les modalités de financement des GMF, GMF-U et GMF-R », Le Médecin du Québec, 28 novembre 2017.
  26. Pour être admissibles à la RAMQ, les étudiants étrangers doivent être titulaires d’une bourse du ministère de l’Éducation ou du ministère de l’Enseignement supérieur du Québec, ou être originaires de l’un des pays avec lesquels le Québec a conclu des ententes de sécurité sociale (Belgique, Danemark, Finlande, France, Grèce, Luxembourg, Norvège, Portugal, Roumanie, Serbie, Suède). Régie de l’assurance maladie, Entente de sécurité sociale avec d’autres pays, consulté le 9 mai 2023.
  27. Il s’agit ici d’une estimation prudente du nombre d’étudiants étrangers et de travailleurs étrangers puisque l’IDQ estime en réalité le nombre d’emplois occupés par ceux-ci. Institut du Québec, Bilan 2022 de l’emploi au Québec, février 2023, p. 22.
  28. LégisQuébec, Loi sur l’assurance maladie, art. 22, 1999, consulté le 9 mai 2023.
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  33. Addenda des appels à l’information.
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  40. Vos droits en santé, Organismes du système de santé, Le réseau de la santé du système de santé, la structure locale: les établissements de santé, L’organisation des établissements, Le conseil d’administration (CA), Le Comité de vigilance et de la qualité, consulté le 4 mai 2023.
  41. Agrément Canada, À propos d’Agrément Canada, consulté le 4 mai 2023; Ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec, Professionnels, Permis, Obtention d’un permis de centre médical spécialisé (CMS), consulté le 4 mai 2023.
  42. Nadia Benomar, Catalyseurs et freins à l’innovation en santé au Québec, Rapport d’étape, HEC Montréal et CIRANO, juillet 2016, p. 47.
  43. Gouvernement du Québec, Gouvernement, Appels d’offres et acquisitions, Regroupement d’achats de biens et de services, 23 février 2023.
  44. Éric Desrosiers, « Québec révisera la règle du plus bas soumissionnaire », Le Devoir, 30 octobre 2019.
  45. Radio-Canada, « La montagne de paperasse des médecins nuit aux soins des patients, dénonce la FCEI », Radio-Canada, 30 janvier 2023.
  46. Marie-Eve Cousineau, « Appel à réduire la paperasse pour les médecins au pays », Le Devoir, 30 janvier 2023.
  47. Idem.
  48. Calculs des auteures. Idem.
  49. Idem.
  50. Gouvernement du Québec, Loi sur l’assurance maladie, article 22, consulté le 15 mars 2023, p. 23.
  51. Tout médecin qui souhaite pratiquer au privé et offrir à ses patients des soins qui sont déjà couverts par la RAMQ doit d’abord se retirer formellement du système public en envoyant par courrier le formulaire correspondant à la demande, puis attendre 30 jours avant d’exercer dans le système privé.
  52. Maria Lily Shaw, Real Solutions for What Ails Canada’s Health Care Systems – Lessons from Sweden and the United Kingdom, Cahier de recherche, IEDM, février 2022, p. 53.
  53. Ibid., p. 53.
  54. Ibid., p. 45.
  55. Terence Chai Cheng, Catherine M. Joyce et Anthony Scott, « An Empirical Analysis of Public and Private Medical Practice in Australia », Health Policy, vol. 111, no 1, 2013, p. 48.
  56. Karolina Socha et Mickael Bech, « Dual practitioners are as engaged in their primary job as their senior colleagues », Danish Medical Journal, vol. 59, no 2, 2012, p. 5.
  57. Maria Lily Shaw, op. cit., note 53, p. 44.
  58. La Politique triennale doctorale prévoit 969 admissions en 2022-2023 pour ensuite augmenter à 1003 en 2023-2024 et à 1021 en 2024-2025. Cabinet du ministre de la Santé, « Planification des admissions au doctorat en médecine – 969 admissions aux programmes de formation doctorale en médecine pour la prochaine année », communiqué de presse, 10 juin 2022.
  59. Francis Beaudry, « Les médecins canadiens formés à l’étranger, une solution à la pénurie? », Radio-Canada, 18 mai 2022.
  60. Gouvernement de l’Ontario, « De nouvelles règles “de plein droit” constituent une première au Canada afin d’attirer un plus grand nombre de travailleurs de la santé en Ontario », communiqué de presse, 19 janvier 2023.
  61. Gouvernement du Québec, Loi visant à rendre le système de santé et de services sociaux plus efficace, 29 mars 2023, p. 6.
  62. Nadia Benomar et Marie-Hélène Jobin, Portrait des tendances et des pratiques de la chirurgie ambulatoire, Pôle santé HEC Montréal, juin 2021, p. 23.
  63. Daniel Boily et David Gentile, « Des cliniques chirurgicales privées vont pouvoir hospitaliser des patients », Radio-Canada, 13 mai 2023.
  64. Un mécanisme similaire existe également pour les médecins spécialistes.
  65. Il s’agit de l’équivalent d’un droit de pratique pour exercer dans la région.
  66. Un médecin peut donc consacrer jusqu’à 45 % de ses jours de facturation à exercer à l’extérieur de la région où il détient son avis de conformité. Ministère de la Santé et des Services sociaux, Guide de gestion des plans régionaux d’effectifs médicaux en médecine de famille 2022-2023, 12 janvier 2023, p. 4.
  67. À l’exception des sous-territoires situés dans Portneuf et Charlevoix.
  68. Ministère de la Santé et des Services sociaux, op. cit., note 67, p. 5.
  69. Sylvie Bourdeau, « Canada: After “Chaoulli”… Bill 33 opens the door to private clinics and private insurance in Quebec », Mondaq, 28 juillet 2006.
  70. LégisQuébec, Loi sur les services de santé et les services sociaux, 1991, art. 333.1.
  71. Maria Lily Shaw, Real Solutions for What Ails Canada’s Health Care Systems – Lessons from Sweden and the United Kingdom, Cahier de recherche, IEDM, février 2022, p. 48.
  72. Ministère de la Santé et des Services sociaux, Liste des centres médicaux spécialisés ayant reçu un permis en date du 3 avril 2023.
  73. La possibilité de souscrire à une assurance maladie privée découle de la décision de la Cour suprême du Canada dans le cas Chaoulli, qui a jugé inconstitutionnelle l’interdiction de ce type d’assurance. Maria Lily Shaw, op. cit., note 71, p. 47.
  74. Nadia Benomar et Marie-Hélène Jobin, Portrait des tendances et des pratiques de la chirurgie ambulatoire, Pôle santé HEC Montréal, juin 2021, p. 14-15.
  75. Ibid., p. 11.
  76. Lorsqu’un CI(U)SSS conclut une entente avec un CMS participant, ce dernier met au service des médecins issus des hôpitaux publics des ressources matérielles et humaines afin que ceux-ci puissent effectuer des chirurgies. En d’autres mots, le CI(U)SSS verse un montant prédéterminé au CMS pour couvrir le coût d’utilisation des installations et la main-d’œuvre.
  77. Index Santé, Chroniques santé, Thématique et références santé, Attente pour une chirurgie au Québec : questions les plus fréquentes, consulté le 21 avril 2023.
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