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Textes d'opinion

Le budget dont les Québécois avaient besoin

L’inflation a fait mal aux portefeuilles des Québécois et Québécoises. Vous l’avez sûrement senti chaque fois que vous êtes allé à l’épicerie, avez fait le plein d’essence ou avez effectué votre paiement de loyer.

Par rapport à son niveau prépandémique, le prix d’un panier de consommation type a augmenté de 13,75 % au Québec, selon les données de Statistique Canada. À moins que votre salaire ait crû au même rythme, vous vous êtes malheureusement appauvri.

C’est vraisemblablement ces données que le ministre des Finances Eric Girard regardait lors de la rédaction du budget qu’il a déposé mardi.

En annonçant la diminution d’un point de pourcentage des taux des deux premiers paliers d’impôt, il permet aux ménages québécois de souffler un peu, en s’engageant à prendre un peu moins d’argent dans leurs poches lors de l’année en cours. Cette épargne-là, ce n’est pas rien non plus. C’est 1,7 milliard de dollars pour vous aider à boucler votre budget, plutôt que celui du gouvernement. Pour le Québécois moyen, ça veut dire 370 $ de plus dans ses poches à la fin de l’année.

Soyons clairs, ça ne compensera pas l’ensemble de l’impact de l’inflation sur votre budget. Selon les estimations de la Banque Royale, on parle ici d’une hausse de coûts de 3000 $ par année dans le budget des familles.

Cela étant dit, il y a fort à parier que vous connaissez bien peu de gens qui cracheraient sur 370 $ s’ils tombaient du ciel. Pour les contribuables les plus taxés du continent, c’est donc un peu de répit bien nécessaire qui leur est offert.

Révolution en santé

Cependant, les bonnes nouvelles ne sont pas que financières. Dans le secteur de la santé, par exemple, ce que le gouvernement de François Legault offre aux Québécois s’apparente à une petite révolution dans la façon dont nos établissements de santé sont financés, et ce, au bénéfice des patients.

En ce moment, le financement des hôpitaux se fait largement en regardant le budget de l’année précédente et en y ajoutant un pourcentage défini. Ainsi, du point de vue strictement budgétaire, chaque patient qui franchit les portes d’un hôpital est vu comme un coût. Dans quelques secteurs d’activité bien précis, toutefois, comme la radio-oncologie, l’imagerie médicale et les colonoscopies et endoscopies, le gouvernement a testé un modèle de financement dit « axé sur le patient ».

Selon ce modèle, le patient n’est plus seulement une source de coûts, mais devient une source de revenus pour l’hôpital étant donné que le gouvernement rembourse un montant fixe par intervention.

En bref, plus l’hôpital traite de patients dans ces domaines, plus son budget sera intéressant l’année suivante. Ce type de financement a pour effet d’inciter les administrateurs d’hôpitaux à favoriser la prise en charge et le traitement du plus grand nombre de patients possible. Et les résultats sont probants.

Depuis qu’il a été essayé pour les colonoscopies et endoscopies en 2018-2019, par exemple, le volume de ces interventions médicales a augmenté de 18 % par rapport à ce qui se faisait deux ans auparavant. Cela a permis de réduire le nombre de patients impossibles à voir dans des délais considérés comme raisonnables de 31 %. Des gains de productivité semblables ont aussi pu être observés en radio-oncologie et en imagerie médicale.

Ce que le gouvernement nous annonce dans le budget, c’est qu’il étend ce mode de financement aux interventions chirurgicales à compter du mois d’avril et qu’à terme, il sera étendu pour tout ce qu’il appelle les soins physiques d’ici cinq ans.

Et ce n’est pas trop tôt. Le problème des listes d’attente en chirurgie n’est pas nouveau au Québec, et la pandémie n’a pas aidé non plus. En date du 31 décembre, il y avait 20 649 Québécois qui étaient en attente d’une opération depuis plus d’un an. Et c’est sans compter tous ceux qui attendent depuis quelques mois dans la douleur et l’inquiétude.

Il y a fort à parier que des gains de productivité semblables pourraient être permis par le changement de ce mode de financement, comme ils l’ont été pour d’autres types d’activité. Pour les patients, c’est une bonne raison de célébrer.

Cela étant dit, aucun budget n’est parfait. Le fait que le gouvernement du Québec continuera à s’endetter, malgré le contexte d’augmentation des taux d’intérêt, est inquiétant. Cette année, c’est un déficit de 4 milliards de dollars qui s’ajoutera sur notre carte de crédit collective. Lorsque l’on considère que les Québécois gaspillent déjà 9,5 milliards de dollars par année pour couvrir les frais des emprunts passés, il y a de quoi être préoccupé.

Cela n’empêche pas que, dans l’ensemble, le gouvernement ait déposé le budget dont les Québécois et Québécoises avaient besoin.

Renaud Brossard est directeur principal, Communications à l’IEDM. Il signe ce texte à titre personnel.

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