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Textes d'opinion

L’autonomie des hôpitaux sans but lucratif

L’état de nos systèmes de santé se détériore. Les temps d’attente aux urgences sont en croissance. Au Québec, ils ont augmenté de 42 minutes au cours des cinq dernières années.

L’attente pour voir un médecin spécialiste est longue. L’an dernier, un patient canadien sur deux a attendu plus de six mois à partir de la demande par l’omnipraticien jusqu’au traitement par le spécialiste.

L’accès à un médecin de famille n’est pas plus facile. En ce moment, un Canadien sur six n’en a toujours pas.

Le fait est que nos systèmes de santé ont du mal à fournir aux Canadiens et Canadiennes les soins dont ils ont besoin. Pourtant, ça n’a pas besoin d’être ainsi.

Le Canada fait mauvaise figure

Parmi les pays dotés de systèmes de santé universels, nombreux sont ceux qui obtiennent de meilleurs résultats que le Canada pour ce qui est de l’accès à la santé.

Dans un classement souvent cité des systèmes de santé, soit celui du Commonwealth Fund⁠, nous nous classons 10e sur 11, devant les États-Unis.

Les États d’Europe avec des systèmes universels comme le nôtre se classent mieux que nous. La France, l’Allemagne et les Pays-Bas occupent respectivement la 8e, la 5e et la 2e place.

Une chose que ces systèmes ont en commun est qu’ils permettent à des hôpitaux indépendants, sans but lucratif, de fonctionner au sein de leurs systèmes de santé.

Ces établissements comptent pour 14 % des lits d’hôpital en France. Ils comptent pour 28 % des lits en Allemagne. Aux Pays-Bas, tous les lits d’hôpital se trouvent dans des établissements indépendants sans but lucratif.

Supprimer le contrôle politique

Une bonne partie de leur succès est due à la relative autonomie dont jouissent ces hôpitaux dans leur gestion.

Contrairement au Canada, où l’acquisition d’équipements et les conventions collectives passent par le ministère, les hôpitaux indépendants sans but lucratif prennent ces décisions localement, en fonction de leurs propres évaluations de leurs besoins.

Cela rapproche le processus décisionnel du personnel de première ligne qui traite directement avec les patients, ce qui finit par mieux refléter la réalité sur le terrain.

Après tout, qui est le mieux placé pour savoir si un hôpital régional a besoin d’un nouvel appareil d’imagerie? Est-ce le personnel de première ligne et les administrateurs locaux, ou les fonctionnaires de la santé, loin dans la capitale? Ou encore les politiciens en campagne?

Cette dernière question pourrait sembler absurde si ce n’était du fait que des promesses similaires ont été faites lors d’élections récentes.

Juste avant le début de la campagne électorale de 2021, les libéraux de Terre-Neuve-et-Labrador ont promis d’acheter un appareil de tomographie à 2 millions de dollars pour l’hôpital de Corner Brook. Cela même si le ministre de la Santé insistait une semaine plus tôt sur le fait qu’un tel appareil serait peu utile.

En supprimant le contrôle politique centralisé sur les établissements, des pays d’Europe ont permis aux hôpitaux indépendants sans but lucratif d’allouer leurs fonds aux secteurs où les besoins sont les plus pressants, plutôt que ceux qui permettent de prendre la meilleure photo.

Financement des hôpitaux

Une autre part de leur succès est liée à la façon dont ces hôpitaux sont financés, car les différentes méthodes de financement tendent à encourager des comportements différents.

Au Canada, les hôpitaux sont principalement financés par ce qu’on appelle le financement global.

Essentiellement, une fois par année, le ministère de la Santé évalue le financement dont il estime qu’un hôpital aura besoin en fonction du niveau d’activité de l’année précédente. Une fois ces fonds reçus, les hôpitaux doivent les utiliser avec parcimonie afin de ne pas manquer d’argent avant de recevoir leur prochain gros chèque.

Sous ce système, tout patient entrant est considéré comme un coût pour l’hôpital, qui est ensuite incité à rationner les soins par de longs temps d’attente.

Dans les systèmes de santé européens, les hôpitaux sont principalement financés par un modèle de financement basé sur les activités, où un hôpital reçoit de l’argent du gouvernement pour chaque acte médical effectué.

Comme chaque acte de soins effectué est lié à une source directe de revenus, les hôpitaux sont encouragés à traiter plus de patients afin d’augmenter leur financement.

Cela contribue à créer une saine concurrence entre les hôpitaux, qui cherchent à attirer les patients avec des soins de qualité et de courts délais d’attente.

Au lieu de laisser les politiciens et les fonctionnaires gérer nos hôpitaux depuis de grandes tours dans nos capitales provinciales, nous devrions donner au personnel de première ligne un meilleur contrôle local sur nos établissements hospitaliers.

C’est ce qu’offrent les hôpitaux indépendants sans but lucratif.

Emmanuelle B. Faubert est économiste à l’IEDM et l’auteure de « Soins de santé à but non lucratif: s’inspirer de l’Europe ». Elle signe ce texte à titre personnel.

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