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La Ville de Montréal ne devrait pas intervenir sur le marché du logement

Point soulignant la mauvaise gestion du logement social par la Ville et les effets néfastes des politiques et de la bureaucratie qu’elle impose aux promoteurs

En lien avec cette publication

Montréal ne devrait pas augmenter sa présence sur le marché immobilier, plaide l’IEDM (Les affaires, 27 juin 2024)

«City of Montreal is largest slumlord’: MEI (The Suburban, 3 juillet 2024)

Valérie Plante nous promet moins de logements (La Presse, 10 juillet 2024)

 

Ce Point a été préparé par Gabriel Giguère, analyste senior en politiques publiques à l’IEDM, en collaboration avec Shal Marriott, analyste en politiques publiques à l’IEDM. La Collection Réglementation de l’IEDM vise à examiner les conséquences souvent imprévues pour les individus et les entreprises de diverses lois et dispositions réglementaires qui s’écartent de leurs objectifs déclarés.

L’administration municipale a récemment fait part de son intention d’augmenter le nombre de logements sociaux et communautaires sur le territoire de la ville(1), alors que la mairesse Plante s’est elle-même déclarée convaincue que Montréal « ne peut plus se permettre, comme grande ville, de s’en remettre au marché »(2). Pourtant, la mauvaise gestion du logement social par l’administration actuelle et les effets néfastes de ses propres politiques et de la bureaucratie imposée aux promoteurs privés ne plaident pas en faveur d’une plus grande implication dans le secteur du logement.

La mauvaise gestion des logements sociaux publics

Bien que la mairesse souhaite accroître l’implication de la Ville et remplacer une plus grande portion du marché, l’administration éprouve déjà des difficultés à remplir son rôle actuel, beaucoup plus modeste, dans le dossier du logement. Elle n’a notamment pas été en mesure de gérer adéquatement les logements sociaux qui sont déjà sous sa responsabilité.

L’Office municipal d’habitation de Montréal (OMHM) est chargé de l’inspection régulière et de l’entretien de 20 810 logements sociaux répartis dans 838 immeubles d’habitation à loyer modique (HLM), soit 2,3 % du parc immobilier de la ville(3).

Pourtant, depuis 2019, la proportion de ces logements sociaux en mauvais état a augmenté de façon spectaculaire, passant de 47,6 % à 79,2 %(4). Quant à la proportion de ces logements en « très mauvais état », elle a presque quintuplé, passant d’environ 10 % à 48,5 %. Cette détérioration touche de nombreux ménages montréalais en situation de pauvreté, qui subissent les conséquences de la mauvaise gestion de la Ville. Il est à noter que l’OMHM n’a réalisé que 30 % des inspections préventives qu’il est tenu d’effectuer pour s’assurer que les logements sont adéquats(5). Plusieurs autres lacunes ont été relevées dans la gestion de cet organisme paramunicipal, notamment l’absence de transparence dans les processus d’attribution d’un HLM(6), ce qui n’a pas empêché l’administration Plante de réitérer son appui(7) envers l’organisme.

Pour que ceux qui en ont besoin puissent réellement bénéficier des unités d’habitation à loyer modique, il est indispensable que celles-ci soient dans un état convenable. Étant donné que la Ville ne parvient pas à garantir le bon état du parc de logements dont elle est actuellement responsable, lui faire jouer un rôle plus important au sein du marché du logement constituerait une mauvaise affectation de ressources, entraînant des conséquences négatives pour la situation globale du logement de la ville.

Un frein au développement par le privé

Comme il serait contre-productif que la Ville prenne la place des promoteurs du marché privé, il est donc essentiel que ces derniers construisent davantage d’unités. Pourtant, la Ville s’emploie activement à leur mettre des bâtons dans les roues, rendant plus difficiles le développement et la construction à Montréal(8).

Tout d’abord, les retards dans le processus de planification et de construction accroissent l’incertitude et les risques encourus par les promoteurs. L’une des causes de ces retards, affectant le développement du logement à Montréal, est le temps nécessaire à l’obtention des permis requis pour commencer la construction. Les délais d’obtention d’un permis de construction ont augmenté dans de nombreux arrondissements de la Ville(9). En seulement cinq ans, sous l’administration actuelle, les délais d’obtention des permis ont grimpé de plus de 120 jours(10) sur l’ensemble du territoire de la ville (voir la Figure 1). Dans la circonscription de la mairesse Plante, Ville-Marie, le délai d’obtention d’un permis a plus que doublé, passant de 210,1 jours à 539,8 jours.

Les longs délais d’attente pour l’obtention d’un permis de construction ont notamment pour effet d’augmenter les coûts, comme le souligne la SCHL(11). De plus, une étude a montré qu’un délai supplémentaire de six mois était associé à une diminution de 3,7 points de pourcentage de la croissance du parc immobilier, soit plus de la moitié de la croissance moyenne de l’échantillon de l’étude(12).

Deuxièmement, l’administration actuelle est bien connue pour restreindre la capacité des promoteurs à construire des nouveaux logements. Une étude de l’IEDM a révélé que la construction de pas moins de 23 760 unités a été entravée par la Ville entre novembre 2017 et juin 2023(13). Le cas du projet Pont-Bonaventure, où l’on a réduit de moitié le nombre d’unités possibles, illustre les effets d’une telle obstruction sur le marché du logement.

Finalement, il y a le règlement 20-20-20 qui vise à contrôler la répartition des types de logements dans les nouveaux projets de développement. Même avec les modifications qui y ont été apportées en 2024, supprimant notamment l’obligation de construire des logements sociaux dans les nouveaux bâtiments, ce règlement impose de fait une taxe sur la construction de nouveaux logements dans les zones ciblées(14). Cela aggrave l’inabordabilité et rend les logements qui finissent par être construits moins accessibles aux acheteurs.

Tous ces obstacles réglementaires privent les promoteurs de la possibilité de décider de la meilleure allocation des ressources dans le secteur du logement de la métropole, ce qui fait inévitablement grimper le prix des logements. Compte tenu de l’inabordabilité croissante des logements à Montréal, la dernière chose dont on a besoin est que l’administration actuelle élargisse son rôle au sein du marché du logement. Elle doit plutôt cesser d’entraver les efforts des promoteurs immobiliers et leur permettre de construire davantage de logements.

Références

  1. Ville de Montréal, Plan d’urbanisme et de mobilité 2050 – Document synthèse, juin 2024, p. 25.
  2. Philippe Teisceira-Lessard, « “On ne peut plus s’en remettre au marché”, dit Plante », La Presse, 10 juin 2024.
  3. Calculs de l’auteur. Ville de Montréal, Les cibles du PMU, juin 2024, p. A1-4.
  4. Calcul de l’auteur. Société d’habitation du Québec, Demande d’accès à l’information, 8 janvier 2024, p. 1-13; Société d’habitation du Québec, Supplément 1 – Indicateurs de l’état des immeubles, octobre 2023, p. 12; Office municipal d’habitation de Montréal, Budget 2024, 30 janvier 2024, p. 21. L’OMHM a ajusté la durée de vie théorique de ses immeubles, réduisant ainsi artificiellement le nombre d’immeubles considérés en mauvais et en très mauvais état à 61 %. Cependant, le rapport du vérificateur de Montréal indique qu’aucun travail n’a nécessairement été effectué et que les données ne sont plus comparables. Vérificateur Général de la Ville de Montréal, Rapport annuel de la vérificatrice générale de la Ville de Montréal – 2023, 17 juin 2024, p. 192.
  5. Vérificateur Général de la Ville de Montréal, ibid. p. 131.
  6. Ibid. p. 128-148.
  7. Philippe Teisceira-Lessard, « L’administration Plante fait confiance à l’Office municipal d’habitation », La Presse, 18 juin 2024.
  8. Célia Pinto-Moreira et Emmanuelle B. Faubert, « Améliorer l’abordabilité des logements à Montréal en réglementant moins la construction », IEDM, Note économique, février 2023, p. 2-4.
  9. Philippe Teisceira-Lessard, « “Un frein majeur” », La Presse, 28 mai 2024.
  10. Calculs de l’auteur. Ville de Montréal, Demande d’accès à l’information, 9 mai 2024.
  11. Société canadienne d’hypothèques et de logement, Délais d’approbation liés à la diminution de l’abordabilité du logement, 13 juillet 2023.
  12. Kenneth P. Green et al., The Impact of Land-Use Regulation on Housing Supply in Canada, Institut Fraser, 2016, p. 12.
  13. Gabriel Giguère, « Des milliers de logements entravés par la Ville de Montréal », IEDM, Point, juillet 2023, p. 1.
  14. Célia Pinto-Moreira et Emmanuelle B. Faubert, op. cit., note 8.
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