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La structure des mini-hôpitaux doit être construite sur les bonnes fondations

Point expliquant trois éléments qui sont essentiels au succès du projet de mini-hôpitaux indépendants du gouvernement du Québec

En lien avec cette publication

Dubé et Chassin pressés d’introduire des blocs opératoires dans les mini-hôpitaux privés (Le Devoir, 6 février 2024)

L’idée d’avoir des salles d’urgence dans les mini-hôpitaux ne fait pas consensus (La Presse, 6 février 2024)

Quebec’s plan for ‘mini-hospitals’ has not reached a consensus (City News, 7 février 2024)

Mini-hospitals need ERs and operating rooms to succeed: MEI (The Suburban, 14 février 2024)

Entrevue avec Renaud Brossard (Billet de retour, CPAM-AM, 6 février 2024)

Entrevue avec Emmanuelle B. Faubert (Marceau le midi, BLVD-FM, 6 février 2024)

 

Ce Point a été préparé par Emmanuelle B. Faubert, économiste à l’IEDM. La Collection Santé de l’IEDM vise à examiner dans quelle mesure la liberté de choix et l’entrepreneuriat permettent d’améliorer la qualité et l’efficacité des services de santé pour tous les patients.

Comme chaque année, les taux d’occupation dans les hôpitaux du Québec ont atteint des niveaux records durant le temps des Fêtes, avec un pic de 135 % le 8 janvier 2024(1). Le personnel débordé ne cesse de lancer l’alerte concernant le manque de capacité(2) qui augmente considérablement le temps d’attente aux urgences. Dans certains cas, cette attente a même été fatale(3).

Le projet de mini-hôpitaux présenté par le premier ministre François Legault et le ministre de la Santé et des Services sociaux Christian Dubé lors de la campagne électorale de 2022 devait permettre de réduire la pression grandissante sur les hôpitaux et de mieux répondre aux besoins de la population(4).

Ces mini-hôpitaux visaient à combiner les concepts de groupe de médecine familiale (GMF) et d’hôpital, et devaient comprendre des salles d’urgence ouvertes 24 heures sur 24, des blocs opératoires, des plateaux techniques et divers autres services auxquels on peut s’attendre de la part d’un hôpital. Lors des appels d’intérêt du printemps 2023, dont le but était de consulter les potentiels partenaires pour le projet, le gouvernement a semblé reculer sur la présence de blocs opératoires, ainsi que sur la possibilité d’hospitaliser les patients au-delà de courtes périodes d’observation et de traitement.

Alors que nous nous rapprochons de la concrétisation du projet, il est important de rappeler quels sont les éléments essentiels à la réussite de ces mini-hôpitaux (voir la Figure 1).

Tout d’abord, ces mini-hôpitaux doivent être financés à l’activité, ne serait-ce qu’en partie (un financement suffisant doit aussi être prévu pour couvrir leurs coûts d’immobilisation). De plus, des salles d’urgence et des blocs opératoires en bonne et due forme s’avèrent indispensables afin que l’on puisse véritablement parler d’un mini-hôpital, d’autant plus que ceux-ci contribueront à désengorger les autres salles d’urgence de la province. Ces éléments, combinés à une gestion indépendante, offrent les incitations nécessaires à une amélioration de la performance de notre système de santé, notamment en ce qui a trait aux temps d’attente.

En l’absence de ces services auxquels s’attendent les citoyens et d’un modèle de gestion qui récompense la performance, il serait étonnant que le projet réussisse à atteindre ses objectifs(5).

1. Le financement à l’activité

Le financement basé sur des budgets fixes, qui a historiquement été utilisé dans le système hospitalier, comporte des lacunes importantes. Lorsqu’un établissement de santé reçoit une enveloppe budgétaire prédéterminée, sa capacité d’intervention se limite aux ressources financières qui lui ont été attribuées. Ainsi, chaque patient admis représente des coûts additionnels dont l’établissement doit s’acquitter à partir d’un budget qui n’augmentera pas. Il en résulte un rationnement des ressources, qu’elles soient financières, physiques, ou humaines. Un hôpital performant qui soignerait plus de patients que prévu se voit donc pénalisé pour son bon travail.

En revanche, le financement à l’activité, qui attribue une valeur aux différents actes médicaux réalisés, récompense les établissements prodiguant le plus de soins possible. En effet, selon ce mécanisme, chaque patient additionnel devient une source de revenus supplémentaires pour l’hôpital. La démarche du gouvernement de passer progressivement du modèle des budgets fixes à celui du financement à l’activité sera d’ailleurs bénéfique pour le système dans son ensemble(6). Il est primordial que ce mécanisme soit aussi mis en place dans les mini-hôpitaux afin d’obtenir les gains d’efficacité souhaités.

2. Des salles d’urgence pour désengorger les hôpitaux

Chaque jour, plus de 9000 Québécois et Québécoises se présentent aux urgences de la province(7). Le manque de capacité de ces installations fait en sorte qu’ils doivent bien souvent prendre leur mal en patience. Cette forte demande, combinée à la pénurie de main-d’œuvre et à la mauvaise gestion du capital, exerce une forte pression sur le système. La présence d’un service d’urgence dans les mini-hôpitaux permettra d’augmenter l’offre et donc d’alléger la charge des hôpitaux environnants en déplaçant une partie de la demande.

3. Nouveaux blocs opératoires

Le patient québécois en attente d’une chirurgie est confronté à un autre goulot d’étranglement important de notre système, particulièrement en ce qui concerne les chirurgies ambulatoires. En date du 30 décembre 2023, 170 829 patients se trouvaient sur une liste d’attente pour une chirurgie(8). En date du 1er décembre, 48 852 attendaient depuis plus de six mois(9), dont 26 422 pour une chirurgie d’un jour, soit plus de la moitié. Cette attente implique de la souffrance physique et des pertes financières tant pour les personnes concernées que pour les entreprises pour lesquelles elles travaillent. La présence de blocs opératoires dans les mini-hôpitaux permettrait donc d’augmenter la capacité du réseau de santé sur le plan des chirurgies, ce qui permettrait de soulager les patients plus rapidement.

Les effets positifs de la concurrence

Si les fondations sur lesquelles repose le projet de mini-hôpitaux ne sont pas assez solides, cette initiative n’apportera rien de particulièrement nouveau dans le paysage de la santé au Québec. En réunissant ces trois éléments clés au sein de mini-hôpitaux à gestion indépendante, notre système de santé pourra bénéficier de l’efficacité accrue que génère la concurrence.

Les fournisseurs de services évoluant dans un environnement concurrentiel cherchent continuellement des façons de se distinguer et d’innover pour améliorer leur rendement, afin de conserver leur clientèle et d’obtenir une plus grande part de marché. De la même façon, une saine concurrence entre centres hospitaliers cherchant à attirer de nouveaux patients les inciterait à innover et à générer des gains d’efficacité. Une fois de telles pratiques exemplaires identifiées, elles pourraient alors être répliquées et adaptées ailleurs dans le réseau de la santé, au bénéfice de l’ensemble des Québécois. L’exemple des hygiénistes dentaires et celui des centres médicaux spécialisés (CMS) ont d’ailleurs démontré les bénéfices de l’ouverture à la concurrence en santé(10).

Il est grand temps de miser sur une concurrence accrue pour générer des solutions innovantes et réduire les listes d’attente interminables une fois pour toute.

Références

  1. Alice Girard-Bossé, « Un sommet en cinq ans », La Presse, 10 janvier 2024.
  2. Flavie Sauvageau, « Lévis : fatiguées, des infirmières s’absentent et s’inquiètent du recours accru au TSO », Radio-Canada, 22 janvier 2024.
  3. Fanny Lévesque et Ariane Lacoursière, « Des enquêtes à la suite de deux morts à Anna-Laberge », La Presse, 5 décembre 2023.
  4. Coalition Avenir Québec, Nouveaux centres médicaux privés au service des Québécois, consulté le 25 janvier 2024.
  5. Maria Lily Shaw et Emmanuelle B. Faubert, Les conditions gagnantes pour les mini-hôpitaux, Cahier de recherche, IEDM, juin 2023, p. 13.
  6. Daniel Boily et Davide Gentile, « Le ministre Dubé veut créer une “compétition» dans le financement des hôpitaux », Radio-Canada, 2 juin 2023.
  7. Gouvernement du Québec, Tableau de bord – Performance du réseau de la santé et des services sociaux, Urgence, consulté le 25 janvier 2024.
  8. Gouvernement du Québec, Tableau de bord – Performance du réseau de la santé et des services sociaux, Services médicaux spécialises, consulté le 30 janvier 2024.
  9. Ministère de la Santé et des Services sociaux, Accès aux services médicaux spécialisés – Volet chirurgie, Sommaire en attente, consulté le 25 janvier 2024.
  10. Les hygiénistes dentaires ont la possibilité d’ouvrir leurs propres cabinets sans la supervision de dentistes depuis 2020. Les CMS, quant à eux, offrent une autre porte d’accès aux soins chirurgicaux, dans le but de réduire les listes d’attente. Maria Lily Shaw et Emmanuelle B. Faubert, op. cit., note 5, p. 12.
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