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Textes d'opinion

La maladie canadienne de la santé

Une expression populaire veut que la folie puisse se résumer à la propension qu’aura un individu à poser les mêmes gestes tout en espérant obtenir des résultats différents d’une fois à l’autre. Si tel est bel et bien le cas, on devra conclure que les gouvernements canadiens successifs qui se sont penchés sur les failles de notre système de santé sont en proie à la détresse psychologique.

En effet, l’approche du « tout-à-l’État », où un monopole gouvernemental tente sans succès d’optimiser le déploiement de nos trop maigres ressources en matière de santé, ne cesse de produire des résultats insatisfaisants. Un récent sondage commandé par l’IEDM, Second Street et la Canadian Constitution Foundation, révélait que près des deux tiers des Canadiens et Canadiennes sont d’avis que nos systèmes de santé nécessitent des réformes majeures. Pis encore, 67 pour cent des Canadiens et Canadiennes ont la conviction que les générations futures hériteront d’un système encore plus mal en point.

Cependant, une étrange symétrie est en cours. Témoins de tous ces va-et-vient qui caractérisent l’activité gouvernementale en santé, le gouvernement albertain tâche de se défaire d’une agence centrale en matière de santé, l’Alberta Health Services, alors que le Québec fait des pieds et des mains afin d’en créer une, Santé Québec. De façon moins charitable, on pourra conclure qu’il s’agit d’un diagnostic probant de la maladie qui nous afflige en matière de santé.

Soyons clairs : la décentralisation a toutes les chances de mener à des résultats plus favorables. C’est là un apprentissage phare de l’école autrichienne d’économie en ce qui a trait à l’information qui est de nature diffuse. Un administrateur, quelles que soient ses qualifications, ne sera jamais en mesure de réagir rapidement à un flux d’informations aussi soutenu et diversifié. Cela peut sembler évident, mais nous peinons manifestement à le mettre en application.

Comme Québécois ou Québécoise, on peut parfois avoir l’impression d’observer certains aspects de la scène politique fédérale canadienne comme simple spectateur. Le débat en matière de soins de santé en est un exemple probant. En effet, il semble parfois que l’objectif du modèle « tout-à-l’État » en santé n’est pas tant de soigner le plus grand nombre, mais plutôt de se convaincre que nous avons un trait distinctif par rapport à notre voisin du Sud.

Je comprends tout à fait l’importance des symboles. La vie n’est après tout pas qu’une question arithmétique et elle ne se résume pas en un ensemble d’absolus tels des zéros ou des uns. Mais en l’occurrence, nous payons un prix beaucoup trop important pour simplement maintenir les apparences. On peut facilement affirmer qu’une mort sur les listes d’attente en est une de trop. Que nous reste-t-il à dire lorsque ces décès se comptent par milliers en une année?

À force de transformer une simple question pratique—comment fournir rapidement des soins de santé au plus grand nombre—en une question philosophique—qui sommes-nous—la classe politique et le gratin médiatique canadien ont complètement perdu le nord.

Or, pour trouver des systèmes de santé dont nous pourrions nous inspirer, il n’est nullement nécessaire de regarder vers le sud ou encore d’imaginer un quelconque eldorado. De nombreux pays ayant une vaste gamme de politiques publiques autrement liberticides et anti-croissance économique sont l’exemple parfait d’une horloge brisée qui a raison deux fois par jour. Effectivement, des pays européens tels que la France, la Suède ou l’Allemagne—qui n’ont rien à voir avec une dystopie libertarienne telle qu’imaginée par des gauchistes peinant à maintenir un lien avec le réel—sont la preuve que le secteur privé peut facilement contribuer à fournir une couverture de soins de santé universelle et performante.

À l’instar de l’horloge brisée, Gilles Duceppe déclarait naguère que la politique du pire est la pire des politiques. De ce fait, on devrait se garder d’espérer que nos systèmes de santé n’éclatent pas de toutes pièces afin d’ouvrir la voie à des systèmes qui s’inspirent du modèle en place outre-Atlantique. Nous devons en quelque sorte garder la foi et continuer de faire valoir la possibilité bien réelle de réformer notre système de fond en comble.

Nous ne pouvons pas nous permettre d’attendre le Grand Soir, où le désespoir qui nous paralyse en pensant à nos systèmes de santé serait balayé par un vent de renouveau. Soyons lucides, cela n’arrivera pas. Certainement pas tant que des ministres de gouvernement prétendument conservateurs exhorteront le gouvernement fédéral à limiter encore davantage l’accès aux soins de santé!

Il faut plutôt miser sur des gouvernements provinciaux qui en ont assez de se cacher sous les jupons du gouvernement fédéral. Des provinces comme le Québec et l’Alberta pourraient, au fil du temps, commencer à amener des solutions viables à ces enjeux. Mais ils auront besoin d’une bonne dose de courage. Heureusement, l’opinion publique est en train de s’améliorer. Espérons que cela ne tombe pas dans l’oreille d’un sourd.

Daniel Dufort est président et directeur général de l’IEDM. Il signe ce texte à titre personnel.

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