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Foresterie : un secteur qui continue d’innover

Note économique sur des innovations en foresterie qui ont des répercussions positives importantes sur l’environnement ainsi que sur l’économie du Québec

Contrairement aux perceptions véhiculées par certains opposants à l’industrie forestière, celle-ci continue d’innover et contribue de plus en plus à la lutte contre les changements climatiques. Dans cette publication, les auteurs Olivier Rancourt et Miguel Ouellette passent en revue certaines des innovations mises de l’avant par cette industrie.

En lien avec cette publication

L’industrie forestière au service de l’environnement et de nos régions (Le Soleil, 30 novembre 2021)

L’industrie forestière innove pour lutter contre les changements climatiques (Le Soleil, 30 novembre 2021)

 

Cette Note économique a été préparée par Olivier Rancourt, économiste à l’IEDM, et Miguel Ouellette, directeur des opérations et économiste à l’IEDM. La Collection Environnement de l’IEDM vise à explorer les aspects économiques des politiques de protection de la nature dans le but d’encourager des réponses à nos défis environnementaux qui présentent le meilleur rapport coût-efficacité.

Au Québec, et ailleurs au Canada, l’industrie forestière revêt une grande importance économique et historique. Et ces dernières années ont été marquées par une révolution dans les techniques et les technologies utilisées au sein de ce secteur. Ces innovations ont des répercussions positives importantes sur l’environnement ainsi que sur l’économie du Québec. De plus, la mise en place de nouvelles techniques a rendu possible le développement de procédés de production novateurs pour d’autres industries, qui ont elles aussi pu augmenter leur productivité, tout en diminuant leur empreinte environnementale.

Ces évolutions, pensées et déployées par des entrepreneurs créatifs, témoignent de la volonté constante qu’a l’industrie forestière québécoise de se renouveler. Il convient donc de reconnaître l’importance du rôle des entrepreneurs dans ce processus, et de veiller à ce que le gouvernement soit judicieux dans son choix de politiques publiques et de réglementations, de manière à ne pas contraindre et ralentir l’innovation issue du marché.

La foresterie au service de l’environnement

L’une des grandes préoccupations du XXIe siècle concerne la protection de l’environnement et la lutte contre les changements climatiques. Cela passe notamment par le ralentissement des émissions de gaz à effet de serre et par la mise en place de programmes de captage du carbone(1). En ce sens, planter des arbres constitue l’une des meilleures méthodes reconnues et appliquées par le secteur forestier en matière de captage du carbone(2).

La croissance des arbres, qui se produit grâce à la photosynthèse, capte le CO2 atmosphérique et le transforme en matière organique végétale. Les meilleures méthodes permettant de maximiser le captage de CO2 consistent à récolter les arbres plus âgés et à augmenter la productivité de la forêt(3). Il importe donc de combiner ces méthodes à une gestion proactive des ressources forestières de manière à maximiser leur impact environnemental positif.

Actuellement, c’est moins de 1 % de la forêt québécoise qui est récoltée chaque année, et notre forêt se régénère plus rapidement qu’elle n’est récoltée(4). D’ailleurs, la coupe forestière n’est responsable que d’une faible portion des hectares de forêt affectés. En 2018, au Québec, ce sont plus de 5,5 millions d’hectares d’arbres qui ont été défoliés par les insectes, 202 000 hectares qui ont été récoltés et 86 000 hectares qui ont été brûlés par des feux de forêt(5) (voir la Figure 1). Écologiquement, il convient donc d’augmenter aussi bien la qualité que la quantité de la forêt récoltée, de manière à maximiser les bienfaits environnementaux provenant du captage du carbone. En effet, lorsque les arbres sont détruits par le feu ou qu’ils meurent et se décomposent à la suite d’attaques d’insectes ou simplement de vieillesse, ils réémettent dans l’atmosphère le CO2 qu’ils ont accumulé tout au long de leur vie(6).

​L’une des innovations qui permettent de mieux choisir la section de la forêt à récolter et les arbres à couper est la télédétection par laser, ou LiDAR. Ce système d’imagerie tridimensionnelle mesure la canopée de la forêt, ce qui permet d’estimer la hauteur de la végétation ainsi que l’élévation du sol(7). Dans les années 90, les données LiDAR ont été combinées aux données GPS pour produire une technologie de cartographie topographique qui est utilisée par les entrepreneurs dans différents projets(8).

Les données LiDAR sont collectées au Québec par le ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs depuis 2015, avec l’objectif de disposer de 529 000 km2 d’imagerie d’ici la fin de 2021(9). Les données sont accessibles au public et peuvent être utilisées par tous.

Le LiDAR permet notamment d’identifier certaines caractéristiques des arbres, telles que leur hauteur, leur taille et leur âge(10) afin d’élaborer un meilleur plan de coupe et d’assurer ainsi une gestion durable de la forêt qui maximise le captage du carbone(11).

La gestion des résidus des scieries est un autre exemple d’innovation de l’industrie forestière qui a permis de réduire son empreinte environnementale. De nos jours, au lieu de simplement jeter les résidus, ils sont réutilisés en grande partie par les entrepreneurs dans différents processus. L’un de ces processus est l’utilisation des résidus pour la biomasse, une source d’énergie dont la combustion émet moins de gaz à effet de serre que les combustibles fossiles, et qui est donc plus écologique(12). En 2015, le Canada a produit plus de 12 000 GWh à partir d’environ 70 centrales électriques alimentées à la biomasse, soit une augmentation de 54 % en dix ans(13).

Les nouvelles méthodes de gestion des scieries permettent également une meilleure utilisation du bois. Au Québec, seulement 25 % à 30 % du volume de bois feuillu provenant des forêts publiques peut être transformé dans les scieries traditionnelles, le reste étant jugé inutilisable en raison de sa taille, de sa courbure ou d’autres imperfections dans le bois(14). Les nouvelles techniques et méthodes de productions instaurées par les entrepreneurs permettent d’augmenter ce pourcentage, et donc, de maximiser le captage de carbone du Québec, tout en diminuant les pertes de bois.

Un impact économique qui se poursuit

Les innovations des entrepreneurs forestiers ne bénéficient pas seulement à l’environnement. Il en va de même pour l’économie québécoise. Les nouvelles technologies, tant en matière de récolte forestière que de transformation de produits, abondent depuis quelques années, contribuant ainsi à accroître la productivité du secteur.

En 2019, les activités de transformation du bois dans la province ont généré 2 milliards de dollars en exportations, soit 3 % du PIB québécois, en plus d’employer 30 000 personnes(15).

En 2020, l’industrie forestière était l’une des plus grandes exportatrices au Québec, représentant 8 % de ses exportations totales(16) (voir la Figure 2). Cette forte productivité est due en partie au développement et au déploiement de nouvelles méthodes de production et de technologies novatrices par les entrepreneurs de l’industrie forestière et des secteurs connexes.

Des gains de productivité se manifestent à différentes étapes du cycle de production, de la récolte à la transformation. Un exemple éloquent est celui de l’utilisation du LiDAR qui a permis un rendement du capital investi de 1,6 $/m3 de bois récolté en Ontario(17). Au Québec, le rendement du capital investi par les entreprises utilisant le LiDAR a été estimé à 2,13 $/m3, selon un rapport de 2015. Ce même rapport estimait également que le gouvernement québécois pourrait économiser 27,1 $/km2 sur dix ans grâce à l’utilisation du LiDAR en foresterie(18), notamment en raison de la réduction du temps de travail des employés du gouvernement pour effectuer et mettre à jour l’inventaire des ressources et du territoire, une fois celui-ci cartographié avec le LiDAR(19). Ainsi, si l’objectif de 529 000 km2 de données d’imagerie d’ici la fin de 2021 est atteint, cela représenterait des économies de 1,4 million de dollars par année(20).

En plus des diverses innovations en matière de récolte de bois, une autre innovation qui a permis d’augmenter considérablement la productivité du secteur, tout en utilisant moins d’arbres, est le recours à des logiciels d’optimisation de sciage. Au Québec, depuis 2014, chaque scierie a investi en moyenne 10 à 12 millions de dollars dans la modernisation de ses équipements(21).

Avant la mise en place de ces logiciels, les pertes de bois s’élevaient à 20-25 %. Désormais, les usines vont chercher le maximum de la bille grâce à de nouvelles techniques qui minimisent le volume de bois perdu par bille, maximisant ainsi la productivité de chaque mètre cube de bois récolté(22).

Outre cette augmentation de la productivité des scieries, certains logiciels permettent également de réduire les pertes d’usinage dues, entre autres, aux défauts dans le bois. Après l’implémentation d’un logiciel de triage, certaines scieries et papeteries ont enregistré des gains pouvant atteindre 80 000 dollars par mois grâce au classement efficace des produits et à la détection des défauts dans les madriers(23).

Ces nouveaux logiciels et ces nouvelles techniques de production permettent non seulement de diminuer les pertes (et donc d’augmenter le nombre de produits sortant des scieries par mètre cube de bois entrant), mais aussi de valoriser du bois qui était auparavant jugé inutilisable(24). Ce bois, jusqu’alors jeté, ou simplement laissé en forêt, était une source d’émission de GES lors de sa décomposition. En utilisant ce bois, les scieries contribuent ainsi à combattre les changements climatiques.

En 2015, une étude commandée par le ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs du Québec s’est penchée sur les gains de productivité possibles lors de la transformation de bois de feuillus de qualité inférieure. L’étude a conclu que le déploiement de nouveaux processus d’optimisation dans les scieries pouvait diminuer significativement (jusqu’à 36 %) la quantité de bois requise pour produire certains types de planches(25).

Toutes ces innovations ont été mises en œuvre par les entrepreneurs pour renforcer la productivité de l’industrie forestière, et sont devenues par le fait même la pierre angulaire du renouveau économique du secteur.

L’impact sur les autres industries

D’autres secteurs de l’économie ont pu bénéficier des innovations des entrepreneurs de la foresterie, notamment par le biais de nouvelles méthodes de réutilisation des résidus et par l’adaptation de nouvelles technologies à leurs secteurs.

L’une des industries qui bénéficient le plus des innovations du secteur forestier est l’industrie agricole. Depuis les années 2000, certains résidus organiques provenant de l’industrie forestière et des pâtes et papiers sont transformés en engrais pour les agriculteurs(26). Pour certaines entreprises, c’est plus de 90 % de certains types de résidus de scierie qui sont ainsi transformés en fertilisant agricole(27).

Une autre option consiste à transformer des copeaux de bois en charbon de bois spécial, lequel est utilisé pour restaurer les sols contaminés et y produire des effets bénéfiques à long terme(28).

La chaleur résiduelle issue des usines de pâte à papier peut également réduire les coûts en énergie des serres. Depuis 2016, un complexe de serres situé à Saint-Félicien, au Lac‑Saint-Jean, a adopté cette approche alors qu’une usine adjacente fournit 25 % de la chaleur consommée par les serres. La réduction des GES émis par l’usine à la suite de ce changement équivaut au retrait de plus de 2000 véhicules du réseau routier par année(29).

Un autre secteur de l’économie qui bénéficie grandement des innovations en foresterie est celui de la construction. Plusieurs entreprises travaillent à la création de matériaux de construction fabriqués à partir de résidus de bois(30). En effet, l’industrie de la construction est reconnue comme un excellent vecteur pour inscrire l’industrie forestière dans une économie circulaire, et l’utilisation de matériaux dérivés du bois permet de diminuer l’empreinte environnementale de l’industrie de la construction(31).

Laisser les entrepreneurs entreprendre

Que ce soit pour l’environnement, l’économie ou les autres industries, les innovations des entrepreneurs forestiers sont d’une grande importance pour le Québec. Elles contribuent à la protection de l’environnement, à la lutte contre les changements climatiques, à la prospérité de la province et à la hausse du niveau de vie des travailleurs. Cependant, pour continuer à profiter de ces nombreux avantages, il est essentiel que les différents paliers de gouvernements laissent les entrepreneurs innover sans leur mettre des bâtons dans les roues.

Références

  1. Krystle Wittevrongel et Miguel Ouellette, « Captage, utilisation et stockage du carbone : une approche entrepreneuriale pour réduire les émissions de GES », IEDM, Point, 14 octobre 2021; Krystle Wittevrongel et Miguel Ouellette, « Captage, utilisation et stockage du carbone : des recommandations concrètes de marché pour réduire les émissions de GES », IEDM, Point, 28 octobre 2021.
  2. Aurélie Lagueux-Beloin, « La captation du CO2 par les arbres : 4 choses à savoir », Gouvernement du Québec, Le scientifique en chef, Impacts de la recherche, 10 février 2021.
  3. Robert Beauregard et al., Rapport : Groupe de travail sur la forêt et les changements climatiques (GTFCC), Ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs du Québec, novembre 2019, p. 1.
  4. Miguel Ouellette, « Forêt québécoises : des centaines de millions perdus dans nos régions chaque année », IEDM, Note économique, 29 octobre 2020.
  5. Gouvernement du Canada, Ressource naturelles Canada, Nos ressources naturelles, Forêts et foresterie, Service canadien des forêts, Données statistiques, 16 décembre 2020.
  6. Gouvernement du Canada, Ressources naturelles Canada, Changements climatiques, Impacts et adaptation, Changements climatiques, Carbone forestier, 15 juillet 2020.
  7. Michael A. Wulder et al., « The role of LiDAR in sustainable forest management », The Forestry Chronicle, vol. 84, no 6, novembre/décembre 2008, p. 807-808.
  8. Guillaume Roy, « Vieilles forêts : mieux les connaître pour mieux les protéger », Le Quotidien, 4 avril 2021; Acroname, The History of LiDAR, 16 janvier 2020.
  9. Ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs du Québec, Forêt, Inventaire écoforestier, La technologie LiDAR aérien, Imagerie et LiDAR, consulté le 19 novembre 2021.
  10. Michael A. Wulder et al., op. cit., note 7, p. 807–808 et 817.
  11. Robert Beauregard et al., op. cit., note 3, p. 1.
  12. Olga Petrov, « La transformation des résidus forestiers en énergie favorise-t-elle la santé des collectivités? », Centre de collaboration nationale en santé environnementale, 15 mars 2012, p. 6.
  13. Office national de l’énergie, Adoption des sources d’énergie renouvelable au Canada : Analyse des marchés de l’énergie, Gouvernement du Canada, mai 2017, p. 16.
  14. Jacques Lajoie, Nouvelles technologies de transformation pour les billes de bois franc de qualité inférieure, FPInnovations, juin 2015, p. 1.
  15. Johanne Fournier, « Une industrie forestière techno : plus de productivité et moins d’arbres », Le Devoir, 25 janvier 2019.
  16. Calcul des auteurs. Institut de la statistique du Québec, Commerce international en ligne, Commerce international par industrie (SCIAN), Exportation totale canadienne, 6 octobre 2021.
  17. Antoine Leboeuf, « Projet d’acquisition de données par le capteur LiDAR à l’échelle provinciale : Analyse des retombées et recommandations », Gouvernement du Québec, juillet 2015, p. 1.
  18. Ibid., p. 10.
  19. Ibid., p. 4-6.
  20. Calcul des auteurs. Idem; Ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs du Québec, op. cit., note 9.
  21. Johanne Fournier, op. cit., note 15.
  22. Idem.
  23. Annie St-Pierre, « Un classificateur automatisé pour les scieries », Le Journal de Québec, 28 septembre 2010.
  24. Jacques Lajoie, op. cit., note 14, p. 1.
  25. Calcul des auteurs. Ibid., p. 30-32.
  26. Bernard Gagnon et Noura Ziadi, « Impact agroenvironnemental de l’utilisation de différents résidus forestiers en grandes cultures », Centre de recherche et de développement sur les sols et les grandes cultures, août 2012, p. 16.
  27. Produits forestiers Résolu, « Transformer des déchets de pâtes et papiers en aliments? », Le blogue Résolu, 17 avril 2015.
  28. Hélène Baril, « BioChar Borealis : le charbon qui nous veut du bien », La Presse, 21 juin 2018.
  29. Gouvernement du Canada, Ressources naturelles Canada, Nos ressources naturelles, Forêts et foresterie, L’état des forêts au Canada : Rapport annuel, Articles, Transformation de la chaleur résiduelle d’une usine de pâte à papier en millions de concombres, 17 décembre 2020.
  30. Emmanuelle Walter et Mélodie Kohler, « L’isolant en fibres de bois, une filière d’avenir au Québec », Écohabitation, 4 mars 2013.
  31. La vitrine, « L’économie circulaire : l’exemple du secteur forestier québécois », Le Soleil, 10 mai 2021.
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