fbpx

Publications

Comment la réglementation a rendu Montréal inabordable

Point illustrant le rôle des politiques gouvernementales mal avisées qui empêchent l’offre de logements d’augmenter et maintiennent les prix élevés

* * *

Ce Point a été préparé par Vincent Geloso, professeur adjoint en économie à la George Mason University et économiste senior à l’IEDM, en collaboration avec Gabriel Giguère, analyste senior en politiques publiques à l’IEDM. La Collection Réglementation de l’IEDM vise à examiner les conséquences souvent imprévues pour les individus et les entreprises de diverses lois et dispositions réglementaires qui s’écartent de leurs objectifs déclarés.

Une affirmation souvent entendue concernant la crise du logement est que le marché est incapable de fournir des solutions. Une telle affirmation est fréquemment utilisée pour détourner la responsabilité de la réglementation en tant que vraie responsable de la crise.

Tout d’abord, il est essentiel de comprendre qu’il ne s’agit pas vraiment d’une crise du logement, mais plutôt d’une crise de l’abordabilité du logement. Cette distinction cruciale permet de saisir que le prix du logement – qui est au cœur de la question de l’abordabilité – est déterminé par le jeu de l’offre et de la demande.

En général, si les prix augmentent, comme c’est le cas actuellement, c’est parce que la demande croît plus rapidement que l’offre. Cependant, ceci peut être la résultante de politiques gouvernementales mal avisées qui empêchent l’offre d’augmenter. Dans un tel cas, ce n’est pas le marché qui est le problème, mais plutôt les obstacles mis en place qui entravent son fonctionnement.

Les entraves réglementaires

Il existe une panoplie d’entraves réglementaires qui freinent l’augmentation de l’offre de logement(1). On parle ici de limites de densité, de règles de ratio stationnement/clients dans les espaces commerciaux, de règlements de zonage trop stricts et de restrictions sur les caractéristiques des bâtiments (c’est-à-dire la hauteur, les dimensions, les matériaux), de permis obligatoires, de taxes foncières, de contrôle du loyer, etc.

Ces entraves ont trois types d’effets pervers :

  • Le premier est qu’elles augmentent le coût de construction et d’entretien des logements, une fois ceux-ci construits. Cela réduit les incitations à bâtir de nouvelles unités d’habitation, causant ainsi une baisse des mises en chantier. Le tout se traduit en bout de ligne par une hausse permanente du coût du logement, toutes choses étant égales par ailleurs.
  • Le second effet est qu’elles rendent l’offre plus rigide, signifiant qu’elle répond plus lentement à l’augmentation de la demande. Ainsi, lorsque survient un choc sur cette dernière, comme une augmentation rapide de la population, les hausses de prix qui seraient normalement temporaires prennent davantage de temps à se résorber.
  • Le troisième effet est que ces règlements ont tendance à toucher certains types de logements plus que d’autres, de telle sorte que le marché restant s’oriente vers une autre clientèle. De façon générale, on observe une réorientation vers les ménages plus riches(2).

Combinés, ces trois effets créent des augmentations permanentes des prix, des chocs de prix plus fréquents (plus de volatilité) qui durent plus longtemps, et une offre qui défavorise les ménages moins nantis.

Ces effets pervers de la réglementation sont confirmés par une vaste littérature empirique(3). Une façon simple d’observer ceci est d’utiliser des indices de réglementation pour comparer différentes zones métropolitaines, puis de les comparer à des mesures d’abordabilité comme le ratio prix des maisons/revenu médian. La littérature montre clairement que plus la réglementation est sévère, plus ce ratio est élevé et donc moins les logements sont abordables(4).

Les métropoles canadiennes n’y font pas exception. La Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL) compile des données mesurant l’abordabilité du logement par rapport aux délais administratifs d’approbation et à la réglementation municipale quant à l’utilisation des terres dans 26 différentes zones du Canada (voir la Figure 1). Ces données montrent elles aussi que les endroits les plus lourdement réglementés sont ceux qui affichent l’abordabilité la plus faible (c’est-à-dire un ratio plus élevé)(5).

Au Canada, Montréal est aujourd’hui parmi l’une des instances gouvernementales qui réglementent le plus lourdement le secteur. Montréal affichait un niveau de réglementation plus élevé que 73 % des villes et provinces canadiennes recensées selon les données de la SCHL(6). Alors que le ratio historique entre le prix des maisons et le revenu médian restait stable autour de 3 entre les années 1970 et le milieu des années 2000(7), il atteignait 6,18 en 2022(8).

La crise de l’abordabilité du logement à Montréal n’est pas due à une défaillance du marché, mais à la réglementation excessive qui freine l’offre et augmente les coûts, pénalisant les ménages moins nantis et ceux qui aimeraient accéder à la propriété. Au lieu d’accuser les acteurs du marché de ne pas livrer la marchandise, la mairesse Valérie Plante devrait arrêter de leur mettre des bâtons dans les roues, afin de libérer l’offre de logements.

Références

  1. Scott Beyer, Market Urbanism: A Vision for Free Market Cities, Market Urbanism Reports, 2021; Alain Bertaud, Order without Design: How Markets Shape Cities, MIT Press, 2018.
  2. Susan Leguizamon et David Christafore, « The influence of land use regulation on the probability that low-income neighbourhoods  will gentrify », Urban Studies, vol. 58, no 5, 2020, p. 4.
  3. Edward Glaeser et Joseph Gyourko, « The Economic Implications of Housing Supply », Journal of Economic Perspectives, vol. 32, no 1, p. 3-27; Nathaniel Baum-Snow, « Constraints on City and Neighborhood Growth: The Central Role of Housing Supply », Journal of Economic Perspectives, vol. 37, no 2, p. 53-74.
  4. Pour un éventail non-exhaustif de la littérature empirique, voir Joe Gyourko et al., « The local residential land use regulatory environment across US housing markets: Evidence from a new Wharton index », Journal of Urban Economics, 2021, p. 124; Joe Gyourko et Jacob Krimmel, « The impact of local residential land use restrictions on land values across and within single family housing markets », Journal of Urban Economics, vol. 126, juillet 2021.
  5. Société canadienne d’hypothèques et de logement, Délais d’approbation liés à la diminution de l’abordabilité du logement, 13 juillet 2023.
  6. Ibid.
  7. Wendall Cox et Hugh Pavletich, Demographia international housing affordability surveys: 2020, Demographia, 2019, p. 19.
  8. Société canadienne d’hypothèques et de logement, op. cit., note 5.
Back to top