Répétez: il n’y a pas eu d’austérité au Québec
Maintenant que l'attention médiatique entourant le budget s'est dissipée, profitons-en pour revenir sur le sujet avec un peu plus de recul. On l'a rappelé souvent ces dernières semaines: le gouvernement avait promis, pendant la dernière campagne électorale, de consacrer la moitié des surplus au remboursement de la dette, et l'autre moitié à des baisses d'impôts pour les contribuables.
Finalement, le gouvernement a respecté « un peu » ses promesses : un versement de 2,5 milliards au Fonds des générations, qui sert à rembourser la dette publique, mais de très petites, voire insignifiantes, baisses d'impôts.
Les libéraux disaient vouloir atteindre la moyenne canadienne en ce qui a trait au fardeau fiscal des contribuables. Malheureusement, le Québec est encore au-dessus de la moyenne. Des petites augmentations de taxes et tarifs s'accumulent à gauche et à droite depuis des années, qui finissent par gruger le pouvoir d'achat des Québécois. Les partis d'opposition calculent qu'il en coûte environ 1000$ de plus à une famille depuis l'arrivée au pouvoir des libéraux.
On peut se consoler dans la mesure où le gouvernement mise sur des finances équilibrées. C'est un changement d'attitude par rapport au passé. Imaginez: avant le premier budget Leitão, le Québec n'avait équilibré son budget que six fois au cours des quarante dernières années! C'est aussi un surplus pour une troisième année consécutive. Les finances publiques sont donc en meilleur état qu'auparavant.
Ceci étant dit, tout n'est pas rose. La dette du secteur public continue d'augmenter (de plus de 5 milliards cette année). Elle augmente un peu moins vite qu'avant, mais elle augmente tout de même.
Quand on prend un peu de recul et qu'on regarde attentivement les chiffres, une évidence s'impose: il n'y a pas eu d'austérité au Québec. Je veux le répéter pour que les lecteurs s'en souviennent: il n'y a pas eu d'austérité au Québec, malgré tout ce qu'on a pu lire et entendre à ce sujet.
L'austérité tant décriée s'apparente plus à une gestion plus prudente des finances publiques, dans la mesure où le gouvernement actuel contrôle mieux l'augmentation des dépenses, mais celles-ci demeurent en constante hausse. Je cite mon collègue Germain Belzile :
De l'année financière 2010-2011 à 2017-2018 (soit l'année du budget récemment déposé), les dépenses totales du gouvernement du Québec sont passées de 85,1 G$ à 103,7 G$, soit une augmentation de 21,9 %. Pour la même période, les revenus du gouvernement sont passés de 82,7 G$ à 106,3 G$, pour une hausse de 28,6 %.
Pendant ce temps (2010 à 2017), les prix à la consommation ont augmenté de 12,2 % et la population d'environ 5,5 %. Une hausse d'environ 18 % aurait donc permis de maintenir constants les revenus ou dépenses réelles par habitant du gouvernement.
Mais les dépenses réelles par habitant du gouvernement ont donc augmenté et ses revenus réels par habitant, encore plus. L'État n'est donc pas vraiment plus « austère ». En fait, il grossit année après année.
Bref, le gouvernement peut dire un gros merci aux contribuables, qui ont fait le gros des efforts budgétaires. L'austérité aura surtout été affaire de hausses de taxes, de tarifs et d'impôts.
Quant à la dette brute (une mesure moins complète que celle que nous utilisons pour notre compteur), elle est passée de 163,3 milliards en 2010-2011 à 203,4 milliards aujourd'hui, une hausse de presque 25%. Austérité, vous dites? Évidemment, quand on est dans la business de toujours vouloir plus d'argent qui vient des poches des contribuables, «sky is not even the limit», comme disent les Chinois.
Une fois qu'on a établi ce constat, il faut se demander ce que le gouvernement doit faire à partir de maintenant. On doit regarder du côté des dépenses. Elles doivent cesser d'augmenter aussi rapidement, et mieux encore, il faudrait que les dépenses du gouvernement baissent afin de libérer une marge de manœuvre pour diminuer les impôts payés par les familles.
On doit aussi penser à long terme. Il existe des mécanismes pour limiter la hausse des dépenses dans l'avenir: par exemple, un cran d'arrêt pour les dépenses non prévues. De cette façon, toute nouvelle dépense doit correspondre à une réduction équivalente. Cette idée avait d'ailleurs été évoquée par le premier ministre Philippe Couillard lui-même pendant la dernière campagne électorale. Une autre solution est de limiter la hausse des dépenses à l'inflation.
L'effort pour des finances publiques saines ne doit pas reposer uniquement sur les épaules des contribuables. L'État doit contrôler ses dépenses.
Il est temps de revoir de A à Z les missions de l'État afin d'alléger son poids, de soulager les contribuables et de se doter d'un État qui fera peut-être moins de choses, mais les fera mieux.
Jasmin Guénette est vice-président de l'Institut économique de Montréal. Il signe ce texte à titre personnel.
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