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Textes d'opinion

L’énergie au Québec: vers une nécessaire réforme

Le départ du super-ministre Pierre Fitzgibbon n’a rien changé: nous n’avons pas plus d’énergie au Québec que nous en avions avant son départ.

Un adage populaire veut que la première étape pour résoudre un problème consiste à admettre que nous avons un problème. Le fait qu’Hydro-Québec ait reconnu au cours des derniers mois le fait que nous nous dirigeons tout droit vers une pénurie est en soi un fait important.

En effet, on se souviendra qu’Hydro-Québec niait haut et fort que l’électrification des transports et de l’économie engendrerait une demande à laquelle elle ne peut pas répondre. L’IEDM avait d’ailleurs été attaquée publiquement par le monopole d’État pour avoir osé remettre en question les chiffres officiels.

Bref, on doit saluer le fait que le gouvernement actuel ait cessé de se mettre la tête dans le sable et qu’il ait introduit un projet de loi afin de résorber la situation.

Bien que ce projet de loi manque cruellement d’ambition, il n’en demeure pas moins qu’il ne mérite pas les attaques qu’il reçoit des groupes de gauche et des autres lobbys.

Si un certain nombre de ces critiques sont légitimes, il importe néanmoins de prendre un pas de recul et de bien mesurer l’étendue des dégâts qui se profilent à l’horizon si nous n’agissons pas rapidement.

En effet, la demande énergétique au Québec augmente à vue d’œil. Hydro-Québec croyait pouvoir compter sur des surplus de 40 térawattheures en novembre 2019, ce qui correspond à la consommation annuelle de 2,1 millions de ménages québécois.

Puis, en novembre 2021, Hydro-Québec réalise que l’ère des surplus d’électricité est derrière nous. Quelques mois plus tard, la société d’État revoit ses prévisions et estime que le Québec aura plutôt besoin de 100 térawattheures en nouveaux approvisionnements en électricité d’ici 2050.

Le fait est que le manque d’électricité se fait déjà sentir dans la province et que, dès maintenant, il nous coûte collectivement très cher.

Lorsqu’un entrepreneur veut ouvrir ou agrandir une usine au Québec, il doit demander l’autorisation du ministre de l’Énergie si les besoins dépassent cinq mégawatts de puissance – soit à peu près l’équivalent de ce que consomme le Centre Bell.

Le gouvernement a reçu des demandes pour des projets qu’il jugeait intéressants et qui totalisent plus de 13 000 mégawatts de puissance. Or, la puissance restante pouvant être attribuée est 26 fois plus petite, soit 500 mégawatts.

Dans un contexte où une seule entreprise détient un monopole légal sur la distribution d’électricité, cela implique que le ministre de l’Énergie est contraint de refuser des projets qui pourraient créer de bons emplois, bien rémunérés pour les travailleurs et travailleuses du Québec comme il manque d’énergie pour les réaliser.

Essentiellement, les travailleurs et les entrepreneurs qui souhaitent faire prospérer le Québec sont ceux qui paient le prix pour les erreurs de planification d’Hydro-Québec, vu son monopole légal sur la distribution d’électricité.

Pour les plus grands projets, il existe déjà une sorte de soupape. Comme le monopole d’Hydro-Québec est imposé sur la distribution et non sur la production d’électricité, certaines entreprises – toujours désireuses de faire des affaires au Québec – optent pour la production de leur propre énergie.

C’est l’approche qu’a adoptée TES Canada, par exemple, qui planifie de bâtir ses propres éoliennes et son propre parc solaire pour une capacité totale de 1000 mégawatts afin de répondre à ses propres besoins énergétiques.

Les plus petits projets, cependant, se trouvent pris entre l’arbre et l’écorce. On peut penser aux Forges de Sorel, par exemple, qui cherchaient à obtenir 16 mégawatts de puissance électrique pour réduire l’empreinte carbone de ses procédés de production.

Pour une demande en électricité de plus petite taille, l’autoproduction n’est pas vraiment une option. Un refus d’Hydro-Québec signe bien souvent la fin d’un projet.

C’est entre autres pour remédier à cette situation que le projet de loi 69 a été déposé. Un des éléments clés de ce projet de loi est qu’il permet aux producteurs d’électricité indépendants de vendre leur énergie à une entreprise, sans avoir à passer par le réseau d’Hydro-Québec.

Si l’ouverture est faible – n’autorisant pas la vente d’énergie venant d’un site de production à une seule entreprise à la fois –, elle demeure néanmoins un pas dans la bonne direction, comme elle réduit le risque que le Québec doive à nouveau payer le prix pour les erreurs de prévision d’Hydro-Québec.

On a beau avoir changé de ministre de l’Énergie, l’urgence qui a mené à l’écriture de ce projet de loi demeure, et le Québec s’en porterait mieux s’il était adopté.

Daniel Dufort est président et directeur général de l’IEDM. Il signe ce texte à titre personnel.

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