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Textes d'opinion

La guerre contre l’humain

Les groupes militants écologistes sont passés maîtres dans l’art d’atteindre leurs objectifs puis de rapidement établir de nouvelles cibles toujours plus ambitieuses. La vitesse à laquelle ils sont en mesure de changer le climat d’opinion médiatique est également particulièrement déstabilisante.

On n’a qu’à penser à la campagne contre l’exportation du pétrole de l’Ouest canadien. En un rien de temps, un battage médiatique incessant s’est déployé afin de démoniser une ressource naturelle qui contribue grandement à l’augmentation du niveau de vie de l’ensemble de nos concitoyens.

Au Québec, quelques années à peine avant le rejet du projet de pipeline Énergie Est, les élus provinciaux s’affairaient à tenter de sauver la raffinerie de Shell, à Montréal-Est. Jusqu’à sa fermeture en 2010, les milliers d’emplois qu’elle fournissait pesaient encore lourd dans la balance. Tous les principaux partis politiques s’étaient alors empressés de présenter un projet de sauvegarde de la raffinerie, plutôt que de laisser sa transformation en terminal pétrolier se concrétiser.

Il est troublant de constater à quel point ces mêmes élus ont changé leur fusil d’épaule rapidement afin de s’opposer à un projet de transport de pétrole passant sur le même territoire et ayant le potentiel de contribuer tout autant à la prospérité québécoise et canadienne.

De nos jours, les mêmes efforts sont déployés par ces groupes afin d’empêcher l’exploitation de mines de minéraux critiques au Canada et ailleurs dans le monde, qui sont pourtant essentielles afin de manufacturer des véhicules à batterie électrique.

Ce phénomène se répète de nombreuses façons. Alors que le Québec fera face à des pénuries d’électricité au cours des prochaines années, les militants écologistes s’opposent à l’idée même de nouveaux barrages hydroélectriques ou même de nouveaux parcs éoliens. Ailleurs en Occident, ce sera plutôt une opposition au nucléaire. Et c’est sans parler de l’idée pourtant tout à fait logique et conséquente de remplacer le charbon par des sources d’énergie moins polluantes comme le gaz naturel, ou même encore des technologies ayant comme potentiel de capter et d’emmagasiner les gaz à effet de serre.

Cela semblera incohérent à celui qui pense tout bêtement que ces groupes militants s’intéressent uniquement à l’assainissement de l’environnement. Mais ce serait faire grave erreur. Comme le fait régulièrement valoir l’intellectuel public français Ferghane Azihari, l’objet véritable de leur démarche est un projet de déconstruction de notre société, où l’Homme doit laisser la nature reprendre « ses droits ». Autrement dit, c’est la légitimité du monde que nous avons créé qui est remise en question. Il ne s’agit pas de simplement restaurer la nature, mais bien de réensauvager le monde.

Afin de savoir quelles sont les prochaines revendications de nos militants locaux, il s’agit parfois de regarder vers l’Europe afin d’observer les plus récents développements puisque le Vieux Continent semble trop souvent être en avance quand vient le temps de trouver d’ingénieuses façons de freiner le progrès. On remarquera alors que l’idée de réensauvager le monde a progressé jusqu’au point où on laisse croître de façon rapide une population de loups qui terrorise le bétail et vient nuire au travail des agriculteurs, qui sont par ailleurs assaillis de toute part en raison des revendications écologistes.

Dans son expression la plus simple et directe, c’est un rejet de la modernité et du confort qu’elle peut offrir qui est au cœur de la logique militante. En effet, l’idée n’est pas simplement de réduire le nombre de voitures thermiques sur nos routes : ce qu’il faut, c’est réduire le nombre de voitures, point. Alors que le vélo est aujourd’hui présenté comme une alternative valable, il sera demain condamné comme trop polluant étant donné l’utilisation d’acier et de caoutchouc.

Si les militants écologistes connaissent tant de succès, c’est que nous leur avons concédé d’emblée le terrain de la moralité et de la philosophie qui sont sous-jacentes à la question véritable. Il est plus que jamais nécessaire de redonner ses lettres de noblesse à la civilisation et à l’organisation de la société par l’humain. Afin de continuer de progresser, nous devrons renouer avec l’humanisme des Lumières, qui reconnaissait pleinement le rôle déterminant de notre espèce pour façonner son environnement dans l’optique d’un plus grand épanouissement.

C’est cette vision d’un monde où chaque personne est libre d’améliorer son sort et la qualité de vie de ses proches que nous devons mettre de l’avant afin de contrer les discours alarmistes. Si l’ingéniosité humaine nous a bien montré quelque chose au fil des ans, c’est qu’elle est une ressource infinie, nous permettant de conserver et d’accroître ces conforts modernes tout en nous adaptant aux nouvelles réalités.

L’idée n’est pas de nier la contribution de l’activité humaine au phénomène mondial des changements climatiques, mais plutôt de voir dans quelle mesure nous pouvons réellement accorder de la crédibilité aux militants écologistes. Après tout, le projet de société qu’ils mettent de l’avant en est un qui nuira forcément aux populations des pays les plus pauvres en plus de réduire la qualité de vie dans les pays plus développés.

Daniel Dufort est président et directeur général de l’IEDM. Il signe ce texte à titre personnel.

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