Un budget lâche
La couverture médiatique du budget de Raymond Bachand a été presque dithyrambique. On a dit du budget qu’il est «courageux», «audacieux», et «historique». On a dit aussi que c’est un gouvernement «qui a du cran», qui donne un «coup de barre», et qui «dépasse les espérances».
Certes, le grand argentier flirte avec le principe de l’utilisateur-payeur, promet quelques compressions budgétaires, et gèle la masse salariale globale. Néanmoins, on ne juge pas un budget à partir de quelques annonces accrocheuses entendues lors du discours du ministre. Il faut le lire attentivement. Or, quand on soumet le dernier budget à pareil exercice, plusieurs épithètes viennent à l’esprit, mais ni «courageux» ni «audacieux» ne sont du nombre!
En ce qui concerne le sacrifice de 4,3 milliards $ demandé aux contribuables, rien n’est laissé au hasard. Les mesures annoncées sont précises et détaillées. On sait qui, comment, combien et quand. En revanche, l’effort consenti par l’État oscille entre de vagues promesses abstraites et des affirmations démagogiques.
Le budget stipule que «62% de l’effort d’élimination du déficit sera fourni par l’État, grâce au resserrement de ses dépenses, aux gains d’efficience et à la lutte contre l’évasion fiscale». En vérité, les dépenses ne diminuent pas d’un sou. C’est le taux de croissance projeté des dépenses qui devrait diminuer de 4,8% à 2,9% en 2010-2011. Pendant que les Québécois se serreront la ceinture jusqu’au dernier cran, les dépenses de l’État continueront d’augmenter. Wow! Quel courage!
Mais la supercherie va plus loin. Dans le document intitulé Plan d’action pour la réduction et le contrôle des dépenses : 2010-2014, on peut lire que la mise en place de la nouvelle «contribution santé» permet de réduire la croissance des dépenses de programmes de 3,2% à 2,9%. Si l’information contenue dans le document est exacte, cela signifie qu’on a simplement ajouté une source de financement direct sans réelle diminution de dépenses. Est-ce là l’effort du gouvernement? L’audace du ministre des Finances se limite à prendre les Québécois pour des imbéciles incapables de comprendre que même le ralentissement de la croissance des dépenses n’est que fourberie!
Le budget a le mérite de montrer que le «modèle québécois» coûte cher. En revanche, laisser croire qu’on peut en assurer la pérennité à condition de le financer adéquatement est malhonnête. Piger dans les poches des contribuables, c’est la solution facile. C’est même la solution la plus lâche, car elle permet d’éviter les douloureuses remises en question. Quand un joueur compulsif se ruine au casino, le remède n’est pas de lui donner plus d’argent pour financer son vice, mais bien de l’aider à modifier radicalement son style de vie.
Ceci vaut aussi pour nos élus. Si le Québec était un pays, il serait le cinquième le plus endetté au monde. Dans ce contexte, le vrai courage ne consiste pas à réviser le financement des vaches sacrées, mais bien à désacraliser quelques-unes d’entre elles. Le vrai courage consiste aussi à se poser les questions fondamentales et à y répondre honnêtement. Le monopole syndicalo-étatique mérite-t-il d’être préservé? Notre régime fiscal favorise-t-il la croissance économique? Est-il vraiment réaliste de se doter de programmes que nous sommes incapables de payer?
Le dernier budget n’est ni historique ni même original. Il s’inscrit parfaitement dans la logique d’un l’État-providence vivant au crochet des contribuables. Il est engoncé dans un paradigme qui nous a ruinés. Penser qu’il assainira les finances publiques relève de la pensée magique!
Nathalie Elgrably-Lévy est économiste senior à l’Institut économique de Montréal.
* Cette chronique a aussi été publiée dans Le Journal de Québec.