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L’efficacité énergétique et l’Internet à large bande: favoriser la réduction des émissions

Note économique examinant les réductions de consommation d’énergie et d’émissions rendues possibles par l’Internet à large bande et l’économie numérique, et le potentiel des réseaux 5G d’améliorer ces gains

La contribution du secteur privé à la réduction des émissions de GES est trop souvent occultée. Dans cette publication de l’IEDM, l’analyste senior en politiques publiques Krystle Wittevrongel lève le voile sur les baisses d’émissions générées par l’industrie des télécommunications.

En lien avec cette publication

Le secteur des télécommunications contribue à la décarbonation (Direction informatique, 18 mai 2023)

5G investments reduce carbon emissions—The government just needs to get out of the way (The Hub, 24 mai 2023)

 

Cette Note économique a été préparée par Krystle Wittevrongel, analyste senior en politiques publiques et leader du Projet Alberta à l’IEDM, en collaboration avec Daniel Dufort, président et directeur général de l’IEDM. La Collection Environnement de l’IEDM vise à explorer les aspects économiques des politiques de protection de la nature dans le but d’encourager des réponses à nos défis environnementaux qui présentent le meilleur rapport coût-efficacité.

L’Internet à large bande fixe et mobile est le ciment de l’économie numérique. Sans lui, nous n’aurions pas accès à l’information, aux services et aux marchés dont nous dépendons et que nous utilisons au quotidien.

En plus d’être un puissant moteur économique, l’Internet à large bande, ainsi que l’économie numérique qui en découle, a également d’importantes retombées sociétales positives, comme l’amélioration de la prestation des services publics, notamment les soins de santé et l’éducation(1). C’est sans compter que, contribuant aux gains d’efficacité et à la réduction de la consommation d’énergie, l’économie numérique a apporté des impacts environnementaux positifs, comme une réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES)(2).

Compte tenu des avantages de l’économie numérique, renforcés par l’Internet à large bande et la mobilité sans fil, il serait de mise que les gouvernements révisent les cadres réglementaires et les politiques publiques qui étouffent les investissements et l’innovation dans ce secteur. Par exemple, le partage obligatoire des réseaux à un prix inférieur au marché réfrène les ambitions des grandes entreprises à investir amplement dans leurs infrastructures, et celles des petites entreprises à investir dans leurs propres réseaux concurrentiels(3).

Une augmentation de 10 points de pourcentage dans l’adoption d’Internet à large bande mobile est liée à une réduction de 7 % des émissions de CO2 par habitant.

En particulier, si le gouvernement canadien souhaite atteindre ses ambitieuses cibles de réduction des émissions pour 2023 (une réduction de 287 à 324 mégatonnes [Mt] d’équivalent CO2 par rapport à 2019(4)), il devra aller chercher toute l’aide possible du secteur des télécommunications.

Gains d’efficacité et réduction de la consommation d’énergie

Grâce au déploiement et à l’utilisation de l’Internet à large bande, les technologies de l’information et de la communication (TIC) et autres technologies numériques peuvent contribuer à optimiser la consommation d’énergie en réduisant la quantité requise pour livrer un produit ou un service, en éliminant le gaspillage ou en modifiant les comportements qui influent sur la consommation(5).

Pour un même résultat, une utilisation efficace de l’énergie en limite la consommation et, donc, réduit les émissions de GES.
Faire preuve d’efficacité énergétique, c’est notamment optimiser la conception, la production, l’utilisation et le traitement en fin de vie des produits(6). On peut également gagner en efficacité en réduisant la demande en transport et en modifiant d’autres comportements, en améliorant les procédés industriels et en modifiant les méthodes d’accès et de prestation des services publics(7). De plus, il a été montré que les technologies numériques peuvent réduire les coûts relatifs de la production d’énergie renouvelable. Ensemble, ces gains contribuent à réduire les émissions pour un même résultat (voir la Figure 1).

Notons toutefois qu’une amélioration de l’efficacité réduisant le coût marginal des services énergétiques peut entraîner une augmentation de la consommation, ce qu’on appelle l’effet rebond(8). Toutefois, des études empiriques ont montré que, à grande l’échelle, l’augmentation du nombre d’abonnements aux services Internet à large bande fixe et mobile s’accompagne d’une diminution des émissions nationales(9).

En effet, la recherche indique que l’économie numérique agit comme un fort inhibiteur sur les émissions de carbone(10). Une analyse à grande échelle couvrant 181 pays de 2002 à 2020 montre qu’une augmentation de 10 points de pourcentage dans l’adoption d’Internet à large bande mobile est liée à une réduction de 7 % des émissions de CO2 par habitant(11). Selon une estimation prudente, dans un pays de l’OCDE moyen, les connexions à large bande de base ou par fibre optique ont occasionné une réduction d’au moins 67 Mt entre 2002 et 2019(12), ce qui correspond environ à la totalité des émissions annuelles de l’Irlande en 2019 ou à 9 % de celles du Canada la même année(13). Donc, sur de longues périodes, les investissements dans les infrastructures d’Internet à large bande contribuent à la réduction des émissions de CO2.

La récente montée du télétravail, rendue possible grâce à l’Internet à large bande et aux TIC, est un cas intéressant, causant une baisse de la circulation automobile et de l’utilisation du bureau, et donc une réduction de la consommation d’énergie et des émissions(14). Une étude a estimé qu’une réduction de 10 % des embouteillages à Montréal éliminerait 130 000 t d’émissions de CO2, soit l’équivalent du retrait de 29 000 automobiles de la route(15).

Entre avril 2020 et juin 2021, 30 % de la main-d’œuvre canadienne a travaillé à distance, comparativement à 4 % seulement en 2016(16). Bien que cette augmentation soit en grande partie attribuable à la pandémie et aux mesures sanitaires, le télétravail devrait perdurer. Les économies, les gains de productivité et la satisfaction accrue des employés ont convaincu de nombreuses entreprises d’envisager le travail hybride(17). Même si le télétravail pourrait, par exemple, induire des changements de comportement qui augmenteraient la consommation d’énergie à la maison, le résultat net semble plutôt positif. Un examen systématique réalisé en 2020 sur un échantillon de 39 études constatait des économies d’énergie : jusqu’à 15 % de réduction de la consommation globale et jusqu’à 80 % de réduction des émissions de CO2(18).

Réduction supplémentaire des émissions de GES grâce aux futurs réseaux 5G

La connectivité numérique a évolué rapidement au cours des vingt dernières années, de la lecture continue et des vidéoconférences sur la 3G aux réseaux 4G intégrant une bande plus large et la lecture continue en haute définition. Maintenant, les futurs réseaux 5G promettent une connexion 20 fois plus rapide et une capacité 100 fois supérieure à la 4G, en plus d’une fiabilité et d’une sécurité accrues(19). On observera également une augmentation directe de l’efficacité énergétique des réseaux et des effets indirects sur tous les secteurs utilisant les TIC et d’autres technologies numériques.

Les nouveaux réseaux 5G ont une efficacité énergétique supérieure aux infrastructures des générations précédentes pour effectuer les mêmes tâches. En effet, l’énergie utilisée pour transmettre des données d’un site cellulaire 5G n’équivaudra qu’à 8 à 15 % de celle qu’un site cellulaire 4G semblable utilise actuellement(20). Une étude estime qu’un déploiement rapide de la 5G permettrait, au Canada seulement, d’empêcher l’émission de 10 Mt d’équivalent CO2 de 2020 à 2030(21). C’est l’équivalent d’éviter de déplacer plus de 2,8 millions de passagers en avion, de Montréal à Perth, en Australie, de l’autre côté de la planète(22).

Entre avril 2020 et juin 2021, 30 % de la main-d’œuvre canadienne a travaillé à distance, comparativement à 4 % seulement en 2016.

La 5G amènera également des améliorations indirectes à l’efficacité énergétique dans tous les secteurs, ce qui contribuera à la réduction des émissions. Son architecture réseau favorisera l’expansion de l’Internet des objets (IdO) – la « quatrième révolution industrielle » –, où pratiquement tout sera connecté à l’Internet(23). Grâce à des milliards de capteurs, à une gestion intelligente et à l’analyse des données en temps réel, l’apprentissage de pointe et les processus optimisés pourront avoir une incidence bien concrète sur l’efficacité énergétique et la consommation d’énergie et, donc, sur les émissions de GES(24).

Prenons l’exemple de la gestion de la circulation. En 2016, on estimait que 23 à 45 % des embouteillages en zone métropolitaine avaient lieu près des intersections en raison de l’immobilisation provoquée par les arrêts et les feux de circulation réglés à intervalles fixes sans tenir compte du volume de la circulation(25). En intégrant un fonctionnement dynamique, les feux de circulation peuvent évaluer la circulation en temps réel et s’adapter au volume et aux tendances, améliorant ainsi l’efficacité. Certaines villes nord-américaines ont mené ce genre de projets pilotes dans le cadre d’initiatives de transport intelligent, et les résultats montrent que la gestion intelligente des feux de circulation peut réduire le temps d’attente aux intersections de 40 à 60 %(26), ce qui se traduit par une réduction des émissions de CO2. Une étude de 2022 estime que cette réduction, à l’échelle mondiale, pourrait atteindre les 205 Mt d’ici 2027(27).

Et ce n’est qu’un exemple, car il y a beaucoup d’autres secteurs où les technologies intelligentes reposant sur la 5G peuvent améliorer l’efficacité : travail, mode de vie et soins de santé (amélioration du télétravail, des vidéoconférences, etc.), automatisation et conception intelligente des bâtiments, agriculture durable, consommation d’énergie réduite des appareils personnels, réseaux intelligents, et plus encore (voir la Figure 2)(28). Une étude de 2019 prévoit qu’un déploiement accéléré de la 5G à l’échelle planétaire pourrait générer une réduction cumulative de 500 Mt d’ici 2030(29).

Prochaines étapes

Important moteur de l’économie canadienne, l’économie numérique a fondamentalement transformé et réorganisé la société canadienne. En 2019 seulement, le PIB associé à l’économie numérique a dépassé les 104 milliards de dollars(30) et, au cours des dix années précédentes, sa part a crû environ 40 % plus rapidement que le PIB total. Le déploiement des réseaux 5G et des technologies connexes devrait ajouter 120 milliards de dollars supplémentaires au PIB national d’ici 2036(31).

Tous les secteurs d’activité au Canada ont reçu le mandat de réduire leurs émissions de GES et de se décarboner. Les améliorations de l’efficacité énergétique et les réductions de consommation d’énergie rendues possibles par l’Internet à large bande et l’économie numérique ne sont pas négligeables, et les réseaux 5G ont le potentiel d’améliorer considérablement ces gains, de manière directe et indirecte. Cependant, pour maximiser ce potentiel, il faudra déployer rapidement l’infrastructure numérique de nouvelle génération, un investissement massif en soi. Pour faciliter les choses, le gouvernement fédéral devrait fournir un cadre réglementaire clair et prévisible et éliminer toutes mesures de politiques publiques susceptibles de ralentir les investissements privés ou de freiner l’innovation.

Références

  1. Raul L. Katz, Social and Economic Impact of Digital Transformation on the Economy, UIT, document de travail du GSR-17, 2017, p. 6.
  2. Zhuoxi Yu, Shan Liu et Zhichuan Zhu, « Has the Digital Economy Reduced Carbon Emissions? Analysis Based on Panel Data of 278 Cities in China », International Journal of Environmental Research and Public Health, vol. 19, no 18, 2022, p. 15.
  3. Martin Masse et Paul Beaudry, « La concurrence fondée sur les installations en tant que catalyseur d’innovation » dans L’État de la concurrence dans l’industrie des télécommunications au Canada – 2016, IEDM, Cahier de recherche, mai 2016.
  4. Krystle Wittevrongel et Emmanuelle B. Faubert, « Cibles de réduction des émissions du Canada pour 2030 : négligeables à l’échelle mondiale et potentiellement contre- productives », IEDM, Point, février 2023, p. 1.
  5. Programme Future Energy Leaders du Conseil mondial de l’énergie, The role of ICT in energy efficiency management: Household sector, 2018, p. 8-9.
  6. Lorenz Hilty, Wolfgang Lohmann et Elaine M. Huang, « Sustainability and ICT – An overview of the field », Zurich Open Repository and Archive, Université de Zurich, 2011, p. 18.
  7. Harald Edquist et Pernilla Bergmark, « How is mobile broadband intensity affecting CO2 emissions? – A macro analysis », préparé pour l’International Telecommunication Society European Regional Conference, Göteborg, Suède, 20-22 juin 2022, p. 4; Jonathan D. Moyer et Barry B. Hughes, « ICTs: Do they contribute to increased carbon emissions? », Technological Forecasting and Social Change, vol. 79, no 5, juin 2012, p. 919; FarrPoint, Digital Policy and Climate Change: Canada Study Report, mai 2022, p. 2, 5 et 7.
  8. Lorenz Hilty, Wolfgang Lohmann et Elaine M. Huang, op. cit., note 6, p. 25.
  9. Harald Edquist et Pernilla Bergmark, op. cit., note 7, p. 14-16;Wolfgang Briglauer, Monika Köppl-Turyna et Wolfgang Schwarzbauer, « Evaluating the effects of ICT core elements on CO2 emissions: Recent evidence from OECD countries », Research Paper 22, EcoAustria – Institute for Economic Research, Vienne, 2022, p. 9.
  10. Zhuoxi Yu, Shan Liu et Zhichuan Zhu, op. cit., note 2, p. 15.
  11. Harald Edquist et Pernilla Bergmark, op. cit., note 7, p. 20.
  12. Wolfgang Briglauer, Monika Köppl-Turyna et Wolfgang Schwarzbauer, op. cit., note 9, p. 22.
  13. En 2019, l’Irlande a émis 61,5 Mt d’équivalent CO2, et le Canada, 736,9 Mt. Banque mondiale, « Émissions totales de GES (kt d’équivalent CO2) – Ireland », consulté le 21 mars 2023; Banque mondiale, « Émissions totales de GES (kt d’équivalent CO2) – Canada », consulté le 12 avril 2023.
  14. Ilan Salomon, « Technological change and social forecasting: the case of telecommuting as a travel substitute », Transportation Research Part C, vol. 6, no 1-2, février 1998, p. 40; Andrew Hook et al., « A systematic review of the energy and climate impacts of teleworking », Environmental Research Letters, vol. 15, no 9, août 2020, p. 5.
  15. Accenture Stratégie et Association canadienne des télécommunications sans fil, « Accélération du 5G au Canada : Avantages pour les villes et les collectivités rurales », 2019, p. 7.
  16. Olivia Bush, « Working From Home Statistics in Canada », Made in CA, 4 février 2023.
  17. Josh O’Kane, « OpenText won’t reopen half its offices after pandemic, amid restructuring and work-from-home success », The Globe and Mail, 1er mai 2020; Adam Ozimek, « The Future of Remote Work », SSRN, mai 2020, p. 5-7.
  18. Andrew Hook et al., op. cit. note 14, p. 5, 21 et 27.
  19. PricewaterhouseCoopers LLP, La 5G, l’économie numérique et la compétitivité mondiale du Canada, novembre 2021, p. 5.
  20. Ce chiffre représente une performance relative en fonction d’une demande optimale en énergie qui pourrait être inégale sur l’ensemble du réseau. Association canadienne des télécommunications sans fil et Accenture, Accélération de la 5G au Canada : Le rôle de la 5G dans la lutte contre les changements climatiques, 2020, p. 5.
  21. Idem.
  22. Calculs de l’auteure. Calcul à partir des émissions pour un aller simple de Montréal à Perth en tenant compte des émissions à haute altitude, soit 3 539 t de CO2 par passager. Less, « Compensez mon vol », consulté le 12 avril 2023.
  23. Martin Masse et Paul Beaudry, « The CRTC is not ready for the Internet of Things », The Globe and Mail, 22 mai 2017.
  24. Darrell M. West, « Achieving sustainability in a 5G world », Center for Technology Innovation at BROOKINGS, décembre 2016, p. 2.
  25. Ibid, p. 4.
  26. Matt Bubbers, « Can smart traffic lights ease congestion, reduce emissions and make streets safer? UBC to test it out », The Globe and Mail, 9 septembre 2022.
  27. Christopher Carey, « Study shows smart traffic systems could cut CO2 emissions », Cities Today, 17 mai 2022.
  28. Association canadienne des télécommunications sans fil et Accenture, op. cit., note 20, p. 26-35; Anja Nell, « 5G Climate Change: 4 Ways 5G is Helping the Environment », CENGN, 23 février 2021.
  29. STL Partners, « Curtailing carbon emissions – Can 5G help? », octobre 2019.
  30. Calculs de l’auteure. Macrotrends, Canada GDP 1960-2023, consulté le 21 mars 2023; Noelle Boughton, « Five growth themes to watch in Canada’s digital economy », Wealth Professional, 4 janvier 2022.
  31. Deetken Insight, The Socio-Economic Impacts of 5G, 2022, p. 86.
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