En 2132, passerez-vous 73 années à la retraite?
Nous sommes en l’an 2132. Théophile, qui fait son entrée à l’université, a une espérance de vie de 138 ans comme ses semblables, grâce notamment aux avancées scientifiques dans la santé et la nutrition. Heureusement pour lui, l’arrière-petit-fils de Justin Trudeau, Tristan, est premier ministre et il a promis, comme ses ancêtres avant lui, de maintenir l’âge de la retraite à 65 ans, coûte que coûte!
Théophile aura donc 73 belles années de retraite. Par contre, ce sera tout un défi pour lui – et pour l’ensemble des contribuables – d’accumuler suffisamment d’épargne pour passer tout ce temps !
Retour en 2017 (et à un peu de sérieux). La morale de l’histoire, c’est qu’il est illusoire de croire que l’on peut fixer de manière immuable l’âge de la retraite, sachant que notre espérance de vie augmente constamment.
La décision de fixer l’âge de la retraite à 65 ans, soit l'âge à partir duquel on a droit aux programmes publics, date d'il y a environ 50 ans. Pourtant, l'espérance de vie a augmenté d’une dizaine d’années depuis cette période.
En effet, au début des années 1960, l'espérance de vie était de 71 ans, alors qu'elle est passée à près de 80 ans dans les années 2000. Nous gagnons environ deux années d'espérance de vie par décennie. Ce n'est donc pas réaliste de penser que l'on conservera l'âge de la retraite à 65 ans infiniment, puisque cela voudrait dire que les programmes de retraite coûteront de plus en plus cher, car les retraités en bénéficieront plus longtemps.
La bonne façon d’augmenter l’âge de la retraite
Conséquemment, il faudrait revoir l’âge normal de la retraite, c’est-à-dire l’âge à partir duquel les travailleurs peuvent prendre leur retraite avec pleine pension, pour ensuite indexer cet âge en fonction de l’allongement de l’espérance de vie.
Le gouvernement du Québec a justement décidé d’aller en ce sens en relevant l’âge qui donne droit à un crédit d’impôt. Sauf que cette décision se produit de manière soudaine et pénalise certains groupes de manière disproportionnée. Devant le tollé, le gouvernement a reculé en partie.
Pour éviter ce genre de psychodrame, l’important est de dépolitiser la décision. Comme les travailleurs d’aujourd’hui sont plus en santé et peuvent rester au travail plus longtemps – et ce sera d’autant plus vrai dans l’avenir – l’âge de la retraite devrait être rehaussé de façon graduelle pour équilibrer les périodes de vie active et de retraite, de façon à correspondre à deux années travaillées pour chaque année de retraite, en moyenne.
Ensuite, comme nous l’avons déjà proposé, il faudrait instaurer une formule d’indexation automatique de l’âge normal de la retraite en fonction de l’allongement de l’espérance de vie des citoyens, de façon à répartir proportionnellement les gains de longévité entre la retraite et la vie active.
D'ailleurs, plusieurs pays développés ont relevé l'âge officiel de la retraite ou sont en train de le faire. Un peu partout, 67 ans devient la nouvelle norme, comme en Allemagne, en Islande, aux États-Unis ou même au Danemark. Généralement, on annonce ces changements longtemps d’avance et on les met en place progressivement.
On peut comprendre le gouvernement actuel à Ottawa de vouloir plaire aux préretraités actuels, qui forment un large bassin d’électeurs. Comme le souligne Mario Dumont, il y a une différence entre une décision populaire et une bonne décision pour le pays. En fait, ce ne seront pas les politiciens actuels qui vont subir les conséquences du statu quo dans ce dossier. C’est la génération suivante qui ramassera la facture à coups de hausses de taxes, lorsque l’on réalisera pleinement l’ampleur de la situation et, surtout, que l’argent ne pousse pas dans les arbres. Bref, l’enjeu ici est davantage la réélection de Tristan Trudeau en 2132 que celle du gouvernement actuel !
Youri Chassin est économiste et directeur de la recherche à l'Institut économique de Montréal. Il signe ce texte à titre personnel.
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