Le Point – Les frais et taxes qui nuisent à la compétitivité des aéroports canadiens
Des circonstances favorables comme la baisse du prix de l’essence et la faiblesse du huard ont profité ces deux dernières années aux aéroports canadiens. Cette tendance pourrait cependant être de courte durée alors que des pressions systémiques nuisent à plus long terme à la compétitivité du secteur aérien canadien. En 2015, le Canada se situait au 130e rang sur 138 pays au chapitre des taxes sur les billets et tarifs imposés aux aéroports. Ultimement, ces taxes et tarifs représentent des coûts supplémentaires qui sont refilés aux consommateurs comme aux transporteurs aériens.
Communiqué de presse : Taxer les aéroports canadiens, c’est aussi taxer les voyageurs!
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Le Point – Les frais et taxes qui nuisent à la compétitivité des aéroports canadiens
Des circonstances favorables comme la baisse du prix de l’essence et la faiblesse du huard ont profité ces deux dernières années aux aéroports canadiens(1). Cette tendance pourrait cependant être de courte durée alors que des pressions systémiques nuisent à plus long terme à la compétitivité du secteur aérien canadien. En 2015, le Canada se situait au 130e rang sur 138 pays au chapitre des taxes sur les billets et tarifs imposés aux aéroports(2). Ultimement, ces taxes et tarifs représentent des coûts supplémentaires qui sont refilés aux consommateurs comme aux transporteurs aériens.
Des loyers coûteux
Depuis 1992, le gouvernement fédéral ne s’occupe plus de la gestion des aéroports, qu’il loue maintenant à long terme à des sociétés privées sans but lucratif(3). Les administrations responsables d’exploiter les plus importants aéroports du Réseau national d’aéroports (RNA) ne bénéficient plus d’aucune subvention de la part du gouvernement(4). Cependant, étant toujours propriétaire de la quasi-totalité des 26 aéroports constituant le RNA(5), le gouvernement fédéral exige aux administrations un loyer pouvant représenter jusqu’à 12 % de leurs revenus. Pour l’exercice financier de 2014-2015, Transport Canada a ainsi perçu 313 millions de dollars auprès des aéroports du RNA(6). À elle seule, l’administration des Aéroports de Montréal (ADM) aura contribué à hauteur de 47,7 millions de dollars (voir Figure 1).
Puisqu’ils n’ont pas accès au capital-actions pour financer leurs immobilisations, les aéroports doivent exiger des frais plus élevés aux transporteurs et aux consommateurs(7). Les frais aéroportuaires représentent à eux seuls 25 % de l’écart de prix entre les tarifs aériens au Canada et aux États-Unis, selon le Conference Board du Canada(8). Les prix plus élevés au Canada ont pour effet de diminuer la demande pour les vols en sol canadien, puisque certains voyageurs traversent la frontière pour économiser alors que d’autres choisissent tout simplement de ne pas voyager.
Remplacer le système actuel de loyer excessif basé sur un pourcentage des revenus bruts par un impôt sur le profit des entreprises inciterait les aéroports à investir davantage et à diminuer les frais exigés aux transporteurs et aux consommateurs.
Pour illustrer la différence, imaginons une décision d’investissement impliquant un revenu supplémentaire anticipé de 1 million $ par année et un coût annuel de 900 000 $. À un taux de 12 % appliqué aux revenus bruts, l’aéroport se trouverait à verser un loyer supplémentaire de 120 000 $, soit une perte nette de 20 000 $. Mais s’il était privatisé, l’aéroport payerait un taux combiné fédéral et provincial approximatif de 35 % uniquement sur le profit de 100 000 $, ce qui laisserait un surplus net de 65 000 $(9).
La perception d’un loyer excessif n’est pas compatible avec l’objectif d’accroître le trafic aérien. Un rapport sénatorial a d’ailleurs recommandé d’abolir graduellement les frais de loyer des aéroports du RNA et de céder complètement la propriété de ces derniers aux administrations aéroportuaires qui les exploitent(10). Cette recommandation n’a cependant pas eu d’échos auprès de la classe politique et le gouvernement fédéral utilise toujours ces loyers pour augmenter ses revenus. Pourtant, la baisse des recettes fiscales à court terme serait contrebalancée par des gains économiques à long terme rendus possibles par une compétitivité accrue des aéroports canadiens.
Les aéroports de Montréal désavantagés
Les aéroports du RNA sont la propriété de la Couronne et de ce fait, ils n’ont pas à payer directement d’impôt foncier. Le fisc municipal doit donc s’inscrire au Paiement en remplacement d’impôts (PERI) afin de percevoir un taux qui s’appliquerait aux propriétés fédérales si elles étaient imposables et si elles recevaient le même niveau de service offert aux autres propriétaires immobiliers(11). En vertu du PERI, ADM a dû payer à la Ville de Montréal l’équivalent de 40,8 millions de dollars en impôt foncier pour l’année 2014(12).
Bien qu’il soit tout à fait normal que les aéroports contribuent à l’assiette fiscale des municipalités où ils sont situés, l’impôt foncier à Montréal est l’un des plus élevés au Canada(13). Ce traitement fiscal désavantageux, qui s’ajoute au loyer exigé par le gouvernement fédéral, rend plus coûteux les investissements en infrastructure et le développement de nouvelles routes aériennes, et applique une pression à la hausse sur les prix des billets d’avion. À ces frais et taxes, on doit aussi ajouter la TPS, la TVQ et les droits pour la sécurité ainsi que le supplément sur le carburant.
Si l’objectif du maire de Montréal Denis Coderre est réellement de « bonifier le positionnement de Montréal afin de demeurer concurrentiel et d’attirer de nouvelles liaisons aériennes directes »(14), son administration devrait faire des efforts additionnels pour réduire le fardeau fiscal d’ADM. Quant au gouvernement fédéral, il devrait abolir le système des loyers et privatiser entièrement les aéroports dans l’intérêt des consommateurs et de toute l’industrie aérienne canadienne.
Ce Point a été préparé par Alexandre Moreau, analyste en politiques publiques à l’IEDM. La Collection Fiscalité de l’IEDM vise à mettre en lumière les politiques fiscales des gouvernements et à analyser leurs effets sur la croissance économique et le niveau de vie des citoyens.
Références
1. Il n’y a toutefois pas que des avantages à cette situation. Bien que la faiblesse du dollar canadien relativement au dollar US restreigne l’exode des passagers vers les États-Unis et attire même des passagers américains au Canada, elle a aussi pour effet d’augmenter les coûts d’opération des compagnies aériennes canadiennes pour les vols vers des destinations étrangères. The Canadian Press, « Transat expects impact this summer from heightened European capacity », CBC News, 9 juin 2016.
2. Forum économique mondial, The Travel & Tourism Competitiveness Report 2015: Growth through Shocks, mai 2015, p. 434.
3. Allison Padova, « Réforme de la gouvernance des aéroports au Canada et à l’étranger », Bibliothèque du Parlement, 5 septembre 2007, p. 2-3.
4. Transport Canada, Les transports au Canada 2014—Addenda statistique, 2014, p. 62.
5. Le RNA comprend les aéroports d’Ottawa et de toutes les capitales provinciales et territoriales, ainsi que les aéroports dont le trafic annuel est de 200 000 passagers ou plus. Voir Transport Canada, Politique nationale des aéroports, 3 février 2010.
6. Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, Compte public du Canada 2015—Volume II : Détails des charges et des revenus, Transports 28.19, 2015.
7. Ils peuvent aussi être forcés de s’endetter à des niveaux impliquant un service de la dette disproportionné par rapport aux recettes. Jacques Roy et Michel Nadeau, La gouvernance des aéroports au Canada : Enjeux et recommandations, Institut sur la gouvernance des organismes privés et publiques, 2014, p. 46-48.
8. Vijay Gill, Driven Away: Why More Canadians Are Choosing Cross Border Airports, rapport, Conference Board du Canada, octobre 2012, p. ii.
9. Ibid., p. 28.
10. Dennis Dawson et Stephen Greene, « L’avenir des déplacements aériens au Canada : Poste de péage ou bougie d’allumage? », rapport préparé pour le Comité sénatorial permanent des transports et des communications, juin 2012, p. 7.
11. Travaux publics et Service gouvernementaux Canada, Programme des paiements en remplacement d’impôts, 3 juillet 2015.
12. ADM doit également débourser 4 millions de dollars par année pour les services du Service de police de la Ville de Montréal dans l’aérogare. Ville de Montréal, Favoriser l’accroissement des vols directs internationaux, une façon de contribuer à l’essor économique de Montréal—Rapport et recommandations, Commission permanente sur le développement économique et urbain et l’habitation, 23 mars 2015, p. 14; Aéroports de Montréal, « Aéroports de Montréal publie ses résultats pour l’exercice 2015 », Communiqué de presse, 10 mars 2016.
13. Mathieu Bédard, « Investir à Montréal : un fardeau fiscal parmi les plus élevés au Canada », Point, IEDM, 24 novembre 2015.
14. Ville de Montréal, « Montréal met en place des mesures favorisant l’accroissement de vols directs internationaux », Communiqué de presse, 18 septembre 2015.