Des quotas pour les restaurants?
Dans les médias, certaines histoires dénotent une incompréhension flagrante des principes fondamentaux de l’économie et de la libre entreprise. Hier matin, un sommet a été atteint.
Intitulé « Des quotas de restaurants exigés », l’article raconte l’histoire d’un restaurateur montréalais bien connu qui trouve qu’il y a trop de restaurants à Montréal, ce qui « menace la survie des établissements réputés » comme le sien. Il affirme ne plus croire au libre marché et souhaite l’imposition d’un système de quotas par quartier pour « protéger les bons restaurants ». Une telle affirmation mérite d’être confrontée à quelques notions de base de l’économie.
Tout d’abord, le « marché » n’est pas une entité dont l’existence repose sur la foi, mais simplement un système qui permet aux individus d’exprimer leurs préférences en disposant librement de leurs ressources en échange d’un bien ou d’un service. Pour que la transaction se produise, les consommateurs doivent accorder aux biens et services achetés une valeur supérieure aux prix demandé.
En ce sens, le succès d’un restaurateur dépend de sa capacité à anticiper les préférences changeantes des consommateurs, sans quoi ces derniers choisiront une alternative qui leur paraît plus attrayante.
Dans un contexte où les ménages sont lourdement endettés, il est fort possible que les « bons restaurants » relativement coûteux ne soient plus le premier choix d’un nombre croissant de consommateurs. Si c’est le cas, il est tout à fait acceptable et même préférable que l’offre s’adapte à cette réalité. Pourquoi la réglementation privilégierait-elle un type de consommateur au lieu de répondre à une demande variée?
L’imposition d’un quota dans le secteur de la restauration réduirait les incitations à offrir de meilleurs produits pour toutes les bourses. La concurrence réduite permettrait au contraire aux restaurants ayant obtenu une licence de maintenir des prix plus élevés. Justement, ces prix plus élevé auraient potentiellement l’effet pervers de diminuer la demande et de compromettre encore davantage la survie des restaurants en place.
D’ailleurs, selon quels critères déterminerait-on ce qu’est un bon restaurant et qui peut obtenir une licence? Vous? Moi? Le critique culinaire Untel? C’est une présupposition audacieuse que d’affirmer que quiconque puisse connaitre les préférences actuelles et futures des millions d’habitants de la région métropolitaine. Personne ne peut refléter parfaitement la somme de toutes les préférences. C’est justement à cela que sert un marché véritable où chacun est libre de ses choix et où j’exprime mes préférences sans les imposer aux autres.
Dans une économie libre, l’échec des uns contribue au succès des autres qui, eux, doivent apprendre à s’adapter constamment pour ne pas subir le même sort. En fin de compte, c’est le consommateur qui profite de ce processus par des bas prix et des plats qui correspondent à ses préférences.
Il est fort probable qu’une politique de quotas compromette le rayonnement du secteur de la restauration montréalais, pourtant réputé à l’extérieur de nos frontières. Et il est rassurant de voir certains élus montrer une grande dose de bon sens et d’humilité en s’opposant à cette proposition.
Youri Chassin est économiste et directeur de la recherche à l’Institut économique de Montréal. Il signe ce texte à titre personnel. Lire ce billet à partir du site du Journal de Montréal.