Salaire minimum: plus politique qu’économique
La semaine dernière, la chancelière Angela Merkel a suggéré aux pays membres de l'Union européenne de faire comme l'Allemagne et d'abolir leur salaire minimum. Les partenaires économiques de l'Allemagne vivent des crises budgétaires, des conditions économiques fragiles et des taux de chômage élevés. L'approche d'Angela Merkel s'inscrit à contre-courant de celle du Québec, qui fait passer cette semaine le salaire minimum à 10,15 $ le 1er mai, une hausse de 2,5 %.
Cette mesure applaudie par les groupes sociaux s'avère sans doute payante politiquement, mais économiquement, c'est une toute autre affaire.
Le salaire minimum est souvent perçu comme un outil de lutte contre la pauvreté et comme un rempart en face d'un patron prêt à tout pour exploiter ses employés. Permettez? La réalité ne correspond pas tout à fait à cette caricature.
Tout d'abord, la véritable solution durable pour diminuer la pauvreté réside dans l'augmentation de la productivité des travailleurs québécois, c'est-à-dire la valeur du travail produit par heure travaillée. Un groupe de travail gouvernemental dirigé par Pierre Fortin fait d'ailleurs le constat que les salaires augmentent dans un rapport de 1 pour 1 avec la productivité à moyen et à long terme. Le salaire payé n'est donc pas fixé en fonction de l'humeur, de la fantaisie ou de la générosité d'un patron à l'égard de ses semblables, dans la très grande majorité des cas.
On aura beau passer des lois pour forcer les entreprises à payer toujours de plus en plus cher leur main-d'oeuvre, s'il s'avère que le travail produit rapporte moins que ce qu'il en coûte, l'emploi finira par disparaître et son titulaire ira rejoindre les rangs des chômeurs. Ceci ne sert pas exactement la cause de la lutte à la pauvreté.
Lorsque l'employeur n'a plus de marge de manœuvre, il embauche tout simplement moins de monde que prévu. Les personnes ne trouvant pas d'emploi en paient donc le prix. Bref, l'employeur n'assume jamais seul le fardeau de l'augmentation du salaire minimum, partagé entre les différents acteurs économiques, clients, fournisseurs et employés. Plus souvent qu'à leur tour, ce sont les bas salariés qui écopent d'une telle mesure, ceux-là mêmes que l'on souhaitait aider, paradoxalement.
Là où le salaire minimum échoue dans l'atteinte de ses objectifs, une activité économique intense se révèle efficace. Le salaire minimum en Alberta est de 9,75 $, donc plus bas qu'au Québec. Pourtant, les emplois de simples caissiers à Fort McMurray – ville pétrolière albertaine – sont aujourd'hui affichés à 13 $ de l'heure. Les pénuries de travailleurs expliquent que des employeurs paient des caissiers sans expérience 33 % de plus que ce que la loi leur permet.
En Alberta, seulement 1,3 % des travailleurs étaient rémunérés au salaire minimum en 2009. Cette proportion était de 6,1 % au Québec au même moment. L'Alberta n'est pas plus riche parce que les lois fixent un salaire minimum élevé, au contraire. C'est le dynamisme économique de cette province qui attire des millions de dollars en investissements et projets privés qui crée un environnement propice à l'enrichissement de tous, y compris les employés peu spécialisés comme les caissiers.
En somme, comme une hausse du salaire minimum n'affecte aucunement la productivité, elle ne permet pas d'augmenter naturellement les salaires. Au lieu de tenter de gonfler artificiellement les salaires, sans succès, nous devrions plutôt créer un environnement favorable aux investissements, qui aurait un impact sur la productivité et par ricochet sur la rémunération. Hausser le salaire minimum est peut-être payant en politique, mais pas pour les travailleurs.
Youri Chassin est économiste à l'Institut économique de Montréal. Il signe ce texte à titre personnel.