L’aide aux régions : attention aux effets pervers des mesures fiscales
Montréal, 10 mai 2007 – À l’occasion du dépôt prochain du budget provincial, l’Institut économique de Montréal (IEDM) appelle le gouvernement et les parlementaires à faire preuve de vigilance pour mieux évaluer l’efficacité de l’aide aux régions qui se traduit parfois par une perte sèche dans l’économie. Ces impacts négatifs découlent notamment des subventions et préférences fiscales accordées aux entreprises des régions ressources. Dans une Note économique publiée par l’IEDM, son vice-président et économiste en chef, Marcel Boyer, conclut «que plusieurs mesures fiscales, même si elles sont fondées sur de bonnes intentions, entraînent des effets pervers».
De grosses dépenses fiscales avec un contrôle douteux
Afin d’atteindre divers objectifs politiques, les dépenses fiscales entraînent une perte de recettes en accordant à des groupes de contribuables particuliers un traitement privilégié : revenus non assujettis à l’impôt, exemption ou remboursement de taxes, déductions dans le calcul du revenu imposable, crédits ou report d’impôt.
L’importance croissante des dépenses fiscales mérite qu’on leur accorde une attention particulière. Le régime fiscal québécois a comporté en 2006 plus de 280 cas de dépenses fiscales, pour un coût total de 18,6 milliards $. Ce montant représente 32% des revenus fiscaux, en augmentation de 30% de 2003 à 2007, alors que la hausse des revenus autonomes du gouvernement québécois (excluant les transferts fédéraux) n’a été que de 15%.
Plusieurs mesures fiscales, même si elles sont fondées sur de bonnes intentions, entraînent des «effets pervers», des conséquences imprévues qui vont à l’encontre de l’objectif visé. Afin d’apprécier la pertinence d’une mesure fiscale, le gouvernement devrait rendre publiques les analyses qu’il a réalisées sur leurs possibles effets pervers, ou en effectuer, le cas échéant. Les députés devraient poser des questions sur les conséquences de ces mesures, comme ils le feraient pour toute dépense plus visible de l’argent des contribuables.
Les effets pervers de l’aide aux régions ressources
À la différence d’autres programmes de subventions aux entreprises, le gouvernement Charest n’a pas sérieusement remis en question la Stratégie de développement économique des régions ressources (SDERR). Ce programme visait à généraliser l’aide de l’État aux activités traditionnelles de fabrication dans sept régions ressources. Les deux principales mesures, toujours en vigueur, sont: un crédit d’impôt remboursable, à hauteur de 30% du salaire des nouveaux salariés dans les activités de transformation, et pour les PME du secteur de la fabrication, un congé fiscal de 75% de l’impôt sur le revenu, de la taxe sur le capital et de la cotisation des employeurs au Fonds des services de santé.
Ce déplacement de l’activité économique n’est pas seulement un simple transfert, puisque l’activité économique qui a été empêchée dans une région était plus efficace que celle qui l’a remplacée car la première pouvait se justifier économiquement et se financer sur le marché sans de telles subventions. En termes nets, il y a destruction de valeur et de potentiel de richesse et les effets pervers de la SDERR se traduisent par une perte sèche dans l’économie.
La SDERR entraîne trois autres conséquences indésirables: la difficulté d’y mettre fin parce que la clientèle qui en profite fera des pieds et des mains pour conserver ses privilèges; le développement d’une culture de dépendance envers le gouvernement; le report indéfini des adaptations et changements souhaitables au sein des régions favorisées par ces politiques. Plusieurs études commandées par le gouvernement ont fait ressortir que ces politiques interventionnistes semblent peu efficaces.
Les taxes sur le tabac et les carburants
L’étude explique aussi que la taxe sur le tabac, qui vise à en réduire la consommation, stimule également la contrebande. Un impôt prohibitif provoque nécessairement la naissance d’un marché noir qui finira par nuire à la perception de cet impôt. Depuis leur sommet de 948 millions $ en 2002-2003, les recettes provinciales du tabac ont recommencé à chuter, de 28 % jusqu’à maintenant.
L’étude analyse finalement l’exemption de la taxe provinciale de 0,16 $ le litre sur le mazout dont profitent les utilisateurs du chauffage domestique, des machines agricoles, des bateaux de pêche, etc. Ce mazout est coloré et ne doit pas servir à d’autres fins, mais en pratique ce n’est pas le cas: cette discrimination fiscale entraîne un marché noir qui force une vérification continuelle par des inspecteurs du carburant. En 2005-2006, ces derniers ont donné 280 constats d’infraction et ont imposé 264 000 $ d’amende, pour une utilisation illégale ou une revente dans ce but. Revenu Québec ne dispose cependant d’aucune étude qui évalue l’étendue de ce marché noir.
La Note économique Les effets pervers des mesures fiscales a été préparée par le vice-président et économiste en chef de l’IEDM, Marcel Boyer. Il est aussi titulaire de la Chaire Bell Canada en économie industrielle de l’Université de Montréal.
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