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Textes d'opinion

Le Canada épargné

La crise alimentaire frappe à nos portes. Non seulement le prix du riz continue-t-il de battre record sur record, mais Wal-Mart et quelques autres symboles de notre système capitaliste demandent maintenant à leurs clients d’acheter une quantité limitée de riz. Ce n’est plus un phénomène exclusif aux pays moins riches.

La hausse du prix des denrées alimentaires est telle qu’elle créée des remous un peu partout dans le monde. Depuis un an, le prix du blé a augmenté de 130%, le soya de 87%, le riz de 74% et le maïs de 31%. Plusieurs analystes ont déjà évoqué plusieurs raisons qui expliquent la situation actuelle: un climat incommodant dans certaines régions du monde, des politiques agricoles ineptes qui privilégient l’énergie au détriment des filières agroalimentaires, etc.

Malgré la situation inquiétante, il est difficile de croire que nous vivons une véritable crise alimentaire. Une crise est souvent définie comme une situation ayant des conséquences durables. Dans le cas qui nous préoccupe, les conséquences sont certes néfastes pour plusieurs citoyens du monde, mais elles sont loin d’être durables, surtout pour les pays nantis, dont le Canada.

D’abord, nous consommons au Canada une grande quantité de produits transformés voire surtransformés. Plus de 75% de ce que l’on mange au Canada est transformé d’une façon ou d’une autre. Bref, le coût des denrées agricoles ne représente qu’une infime partie du prix des produits alimentaires au détail.

Nonobstant le prix de l’essence qui risque d’être un facteur déterminant dans la prochaine année, l’augmentation du prix des denrées aura ici un impact secondaire sur les prix des produits alimentaires au détail.

Selon plusieurs experts, la hausse sera à peine quelques points de pourcentage au-dessus de l’inflation pour la prochaine année. C’est peut-être significatif pour les consommateurs moins fortunés mais il d’agit là d’un simple rattrapage par rapport à d’autres produits de tous les jours.

De plus, les distributeurs et détaillants alimentaires doivent conjuguer avec un marché très concurrentiel. Pour plusieurs des produits qu’ils offrent, la demande est purement élastique, ce qui signifie que les consommateurs sont relativement sensibles à un changement de prix. Les consommateurs ont le choix donc de plusieurs substituts. Avant de changer quoi que ce soit, les distributeurs/détaillants examineront minutieusement leur stratégie de prix.

Une crise de courte durée

Pour les pays en voie de développement, la situation est grave, mais elle ne perdura pas longtemps. Il faut comprendre que chaque denrée a sa dynamique propre. Le riz en est un bon exemple. Comme les autres denrées, le riz est une culture sensible aux aléas climatiques et les récoltes des dernières années n’ont pas été très bonnes. De plus, les régions du monde qui cultivent du riz ne sont vouées qu’à cultiver du riz. Ces régions ne peuvent cultiver autre chose.

Contrairement au soya, au maïs et au blé où les fermiers misent sur différentes céréales d’une année à l’autre, l’offre de riz est relativement statique. L’offre a récemment été affectée par des changements de politiques commerciales en égard au soutien des filières rizicoles dans les principaux pays producteurs. Certains pays producteurs limitent maintenant les exportations de riz. Nul doute que ces politiques n’ont fait que jeter de l’huile sur le feu et propulser les prix à la hausse.

D’autres politiques irrationnelles ont nui aux consommateurs des pays pauvres. En Inde par exemple, le gouvernement a envoyé de l’argent à ses concitoyens pour alléger les effets de la hausse du prix du riz. En revanche, ces paiements n’ont fait que stimuler la demande et les prix n’ont fait que continuer à augmenter. Un résultat prévisible quoi! Le gouvernement ne fait que «subventionner» l’augmentation des prix du riz et nuit à sa population au lieu d’obtenir des résultats pragmatiques.

En ce moment, plusieurs gouvernements cèdent à la panique et adoptent des politiques agricoles incohérentes qui nuisent à la population mondiale. Les pessimistes mentionnent que nous vivons un véritable «tsunami silencieux». Il s’agit plutôt d’un «tremblement de terre de moyenne intensité».

Les instances gouvernementales réaliseront un jour que leurs politiques protectionnistes actuelles n’offrent qu’une portée limitée pour gérer la situation actuelle. C’est un réflexe naturel qui ne fait que pénaliser les consommateurs moins privilégiés.

Brouiller de façon intentionnelle le courant de l’offre et de la demande est une stratégie imprudente. Une fois la tempête passée, ces mêmes instances gouvernementales commenceront vraisemblablement à refaire confiance aux vertus du commerce international.

Sylvain Charlebois est professeur agrégé à la faculté d’administration de l’Université de Regina et chercheur associé à l’Institut économique de Montréal.

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