Le Québec agricole face à une impasse
La Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois (CAAAQ) a rendu public son rapport. Le ton du rapport Pronovost accroche et l’effort des commissaires doit être salué. Espérons que ce véritable cri d’alarme pour l’agriculture québécoise sera entendu. Le constat des commissaires est clair: le modèle actuel et les politiques agricoles québécoises sont obsolètes. L’endettement des agriculteurs, le manque d’innovation et de relève, les perspectives de croissance et de développement du secteur de la transformation alimentaire, la carence en matière de production biologique, le manque de diversification de la production, la perte de confiance des consommateurs, bref, nos méthodes actuelles nous mènent droit vers la catastrophe.
Parmi les 49 recommandations, quelques-unes retiennent particulièrement l’attention.
D’abord, les commissaires invitent le gouvernement québécois à remettre en question le monopole syndical de l’UPA. À ce sujet, les commissaires font preuve d’une grande audace. En considérant à quel point l’UPA contrôle l’élaboration des politiques agricoles au Québec depuis les 35 ans, il était grand temps. Le maintien du monopole de l’UPA offre une garantie aux Québécois que l’agriculture québécoise est vouée à l’immobilisme absolu. Heureusement, les commissaires l’ont très bien compris. Ce modèle, de moins en moins populaire, freine l’esprit novateur des agriculteurs qui méritent bien mieux.
Par ailleurs, le rapport préconise un plus grand rôle de l’État et demande au ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ) de faire preuve d’un plus grand leadership. Tout comme Agriculture Canada, la vision stratégique du MAPAQ est anémique et son manque d’indépendance à l’égard de certains groupes d’intérêts, dont l’UPA, crève les yeux. Le rapport néglige de mentionner que le MAPAQ est une organisation bureaucratique qui vise simplement à répondre à des besoins politiquement périssables. Un engagement plus net du MAPAQ dans l’économie agricole n’est donc pas souhaitable. En revanche, le rapport exige que le MAPAQ s’engage à faire davantage en matière de recherche et d’innovation. C’est une recommandation des commissaires que nous devons saluer.
D’autre part, le rapport traite le concept de la souveraineté alimentaire d’une façon astucieuse. Les commissaires ont réalisé que ce concept énigmatique est compris de différentes façons selon les intervenants. Les commissaires voient juste en incluant la dimension internationale à la souveraineté alimentaire. Autrement dit, le besoin d’une agriculture québécoise durable et robuste doit servir de complément à l’appui du commerce international des produits alimentaires. De plus, dans un contexte de souveraineté alimentaire, les commissaires vont plus loin en mentionnant que le Québec doit demeurer solidaire des pays moins nantis. Bravo.
Par ailleurs, le rapport indique que, pour l’essentiel, la gestion de l’offre, les quotas et les tarifs douaniers à l’importation doivent être maintenus. Il faut regretter ici que les commissaires aient manqué une occasion en or de préparer adéquatement le Québec à l’inévitable libéralisation des marchés mondiaux. Le rapport omet de reconnaître que la gestion de l’offre représente un véritable tsunami latent pour l’agriculture québécoise et canadienne. Nous ignorons quand il arrivera, mais sa force potentielle détruira les mécanismes actuels. Nous serons encore plus nombreux à comprendre à quel point il aurait été important de s’y préparer. Ce qui revient à dire que plaider essentiellement en faveur du maintien de la gestion de l’offre risque de mener le Québec à une impasse.
Sylvain Charlebois est chercheur associé à l’Institut économique de Montréal.