Un verre de lait, c’est bien, deux, c’est coûteux!
Les mauvaises nouvelles se succèdent pour les consommateurs québécois. Depuis le 28 janvier, le contenant de quatre litres de lait 2% se vend au prix minimum de 5,31 $, soit une augmentation de 18¢ ou 3,5%. Le prix moyen du lait a ainsi augmenté d’environ 15% depuis 2004, deux fois plus rapidement que l’inflation.
Cette augmentation est injustifiée et représente une taxe régressive qui pénalise les familles québécoises et les moins nantis de notre société. En 2007, le contenant de quatre litres de lait 2% au Québec était déjà environ 12% plus cher qu’à Toronto, 37% plus cher qu’à Vancouver et 42% plus cher qu’à Winnipeg. La différence avec les prix américains est encore plus grande. Bien que d’autres facteurs puissent expliquer une partie de ces différences, le prix plancher du lait vendu au Québec n’est certainement pas étranger à ses prix plus élevés.
Plus de 80% des Québécois ne savent pas comment les prix du lait à la consommation sont fixés. L’industrie laitière du Québec tire encore profit de la méconnaissance généralisée de ce mécanisme arbitraire, augmentant les prix du lait pour la 10e année consécutive.
Rare province à réglementer le prix du lait
Le Québec est la seule province, outre la Nouvelle-Écosse, qui réglemente encore le prix du lait au détail, par sa Régie des marchés agricoles et alimentaires (RMAAQ). À la fin de chaque d’année, la RMAAQ invite les parties intéressées à faire valoir leur point de vue avant de statuer sur le changement des prix du lait à la consommation pour la prochaine année. Le résultat est prévisible!
La méthodologie de la RMAAQ manque de rigueur. Les calculs ne tiennent pas compte des ristournes versées par les grandes entreprises laitières aux détaillants québécois. Dans le mémoire déposé à la RMAAQ, les détaillants prétendent que la vente de lait n’est pas profitable, proposant ainsi à la RMAAQ d’augmenter le prix minimum du lait. Or, dans ce même mémoire, il n’y a aucune mention de ristournes…
La RMAAQ est un véritable cartel qui exerce son pouvoir économique au détriment des consommateurs. L’organisme sait bien qu’un produit essentiel comme le lait jouit d’une demande inélastique, ce qui signifie que les consommateurs sont relativement insensibles à un changement de prix. La grande majorité des Québécois ne regarde même pas le prix du lait à l’épicerie lors de l’achat. C’est l’une des principales raisons qui expliquent pourquoi les consommateurs sont demeurés indifférents ces dernières années aux augmentations à répétition des prix du lait à la consommation.
Les consommateurs paient les coûts de cette indifférence. Une étude de l’OCDE publiée en 2006 suggère que les Québécois versent plusieurs centaines de millions de dollars en trop pour leurs produits laitiers. Plusieurs autres études subséquentes arrivaient à la même conclusion: le prix du contenant de quatre litres de lait 2% au Québec devrait normalement se situer autour de 3 $ et non de 5,31 $.
Manque de compétitivité
À l’insu des consommateurs québécois, nos politiques agricoles actuelles les forcent à devenir de véritables pourvoyeurs financiers d’un système inefficace. En se comparant à d’autres pays industrialisés, notre manque de compétitivité agroalimentaire crève les yeux. Au lieu d’encourager la création de richesse et d’affronter la concurrence internationale, nous misons sur un modèle protectionniste dépassé. Nos tarifs douaniers à l’importation sont de 241% pour le lait, de 295,5% pour la crème et de 298,5% pour le beurre. Vous voulez du bon fromage parmesan d’Italie? Préparez-vous à payer un tarif douanier de 245,5 %. Autrement dit, l’industrie agroalimentaire appauvrit les Québécois et limite les choix des consommateurs.
Les politiques agricoles québécoises sont à la croisée des chemins et il est grand temps de profiter d’occasions intéressantes pour notre filière laitière. En délaissant le modèle actuel de mise en marché qui date des années 60, nous permettrons à nos producteurs laitiers de devenir plus compétitifs. Pendant que notre demande intérieure de lait diminue sans cesse, plusieurs analystes estiment que la consommation de lait en Chine augmentera de 15 à 20% chaque année pour les 20 prochaines années. Pourquoi demander aux Québécois de subventionner notre industrie laitière quand les Chinois pourraient contribuer à sa rentabilité en achetant nos produits?
Sylvain Charlebois est chercheur associé à l’Institut économique de Montréal.