Pas de revenu minimum garanti sans analyse
On a beaucoup parlé récemment des façons de calculer le taux de pauvreté. Une solution qui refait surface pour la combattre est le revenu minimum garanti. Des personnalités aussi différentes que Milton Friedman, Martin Luther King et Charles Sirois ont proposé et défendu l’idée.
Au Québec, elle sera sans doute présente lors des prochaines élections, puisque aussi bien l’Action démocratique que le nouveau parti de gauche en voie de formation y sont favorables.
Pour certains, il s’agit d’un revenu universel inconditionnel remplaçant tous les programmes sociaux existants ou presque. Pour d’autres, c’est un programme parallèle. Une forme particulière de revenu minimum garanti est l’impôt négatif sur le revenu proposé à l’origine par Friedman en 1962. Ce modèle propose un montant de base au-delà duquel un impôt est perçu et en deçà duquel l’État verse au contribuable le montant manquant.
Au Canada, le revenu minimum garanti a été sérieusement discuté dans les années 1970 avec la publication du rapport Croll et du rapport Castonguay-Nepveu au Québec. Par la suite, la Commission MacDonald a proposé un régime universel de sécurité du revenu en 1985. En Europe, un organisme appelé le Basic Income European Network existe depuis 1986 et organise systématiquement des conférences pour débattre de l’idée et la mettre de l’avant.
Un tel programme est-il désirable et faisable? La préoccupation principale reliée à une telle mesure est son effet sur l’offre de travail des personnes. On peut penser que lorsque les individus reçoivent un revenu minimum garanti, ils sont moins incités à travailler.
Pour en évaluer l’impact, des expériences restreintes ont eu lieu aux États-Unis et au Canada. La première expérience américaine eut lieu au New Jersey en 1967. Au Canada, une expérience appelée Mincome fut lancée au Manitoba et dura de 1974 à 1979. Le Mincome devait remplacer le Régime d’assistance publique du Canada.
Selon ces études, les heures travaillées diminuent avec le revenu minimum garanti, mais l’ampleur de la baisse est faible. Aux États-Unis, les résultats combinés des expériences ont montré une baisse moyenne des heures de travail de 5% pour les hommes mariés, de 20% pour les femmes mariées et de 13% pour les mères célibataires.
Pour le Canada, l’effet estimé était une baisse d’environ 1% pour les hommes mariés, 3% pour les femmes mariées et 7% pour les femmes à bas revenu chefs de famille. Les résultats n’étaient souvent pas statistiquement différents de zéro sauf pour les femmes mariées avec enfants d’âge préscolaire.
Une autre question importante est celle de l’effet du revenu minimum garanti sur les finances publiques.
Le coût d’une telle politique dépendrait du scénario envisagé, en particulier du niveau de transfert minimal garanti et du taux de taxation des revenus supplémentaires. Il n’existe pas d’évaluation des coûts d’un tel programme au niveau national. D’après certaines analyses, des formes précises de revenu minimum garanti pourraient se réaliser sans augmentation de taxes.
Ce débat présente des attraits aussi bien pour ceux qui souhaitent des transferts plus généreux envers les plus pauvres que pour ceux qui se préoccupent de la fiscalité trop lourde et de l’inefficacité des programmes sociaux.
De telles propositions valent donc la peine d’être analysées plus en profondeur.