Le bitcoin, un actif digne d’intérêt
Dans un récent texte d’opinion, le professeur Nouriel Roubini y est allé d’un virulent plaidoyer contre le bitcoin et la technologie blockchain. D’emblée, je suis d’accord avec une bonne partie du témoignage du professeur.
Il est vrai qu’en ce qui concerne la prétendue technologie blockchain, on nage actuellement en plein délire. Cette technologie, qui n’en est pas réellement une, n’a encore rien démontré en dehors de l’application spécifique de l’échange de valeur tel que démontré par le bitcoin. Il est aussi vrai que la grande majorité des nouvelles émissions de cryptomonnaies sont frauduleuses. Bref, s’il y a une bulle, c’est celle de la blockchain, et non celle du bitcoin.
Or, dans son témoignage, le professeur Roubini enchaîne les affirmations farfelues, voire carrément fausses. Premièrement, il affirme que le bitcoin est la « mère de toutes les bulles » et que cette bulle a maintenant éclaté. Nous pouvons débattre sur la valeur du bitcoin (l’unité monétaire), mais nul ne peut contredire le fait que, depuis son lancement en 2009, ce placement alternatif a retourné l’un des rendements les plus importants de l’histoire financière moderne.
Il faut rappeler que Nouriel Roubini tenait exactement le même discours alors que le bitcoin valait à peine 40 $, ce qui le place à des millions de points de base dans l’erreur. À l’heure où j’écris ces lignes, la dette souveraine globale se situe autour de 100 billions de dollars, avec une proportion inquiétante qui retourne un rendement négatif en intérêts.
Les marchés boursiers atteignent des sommets alors que les taux d’intérêt sont toujours à un plancher historique.
La mère de toutes les bulles, c’est cette économie gonflée artificiellement par les banques centrales depuis la crise financière de 2008. Le bitcoin n’est pas la bulle, c’est l’aiguille qui fait éclater la bulle.
Deuxièmement, M. Roubini affirme que les transactions en bitcoins sont lentes, peu fiables et dispendieuses. Il est vrai que les transactions ne sont pas instantanées, mais il s’agit d’une propriété intrinsèque du bitcoin plutôt que d’un problème. La technologie évolue et les réseaux de deuxième niveau (comme Lightning) promettent notamment d’apporter l’instantanéité au bitcoin.
Incompréhension profonde
En termes de fiabilité, le bitcoin repose actuellement sur un puissant mécanisme de validation dont le réseau forme théoriquement l’ordinateur le plus puissant de la planète. Il est aussi important de mentionner que, malgré la baisse importante du bitcoin, les investissements dans son infrastructure se poursuivent à un rythme constant.
Nous l’avons vu récemment au Québec avec une vague de projets de minage bitcoin représentant des centaines de millions en capitaux privés. En termes de frais, il est possible de transiger des centaines de millions en quelques heures pour aussi peu que 10 cents via le bitcoin. Essayez de faire l’équivalent avec les banques traditionnelles…
Le professeur Roubini affirme également que le minage bitcoin est dirigé par un cartel et que cette « dictature » mettrait en péril la pérennité du réseau. Par cette affirmation, il démontre son incompréhension profonde du sujet. Le bitcoin est contrôlé par une seule entité : ses utilisateurs.
M. Roubini, comme la plupart des observateurs de la finance traditionnelle, ne comprend pas que le bitcoin n’est pas basé sur une seule technologie (la prétendue blockchain) ou dirigé par un groupe restreint (les mineurs), mais bien que c’est l’intersection de la cryptographie, du réseau point-à-point, de la décentralisation et de l’intérêt de ses acteurs économiques rationnels qui font en sorte que cette technologie progresse depuis maintenant près de 10 ans.
Inutile, vraiment ?
Finalement, le professeur Roubini présente le bitcoin comme étant une technologie inutile. Il est vrai qu’il est difficile de voir son utilité dans notre contexte de « stabilité » économique et monétaire. Or, il suffit de regarder des pays comme le Venezuela où la planification centralisée socialiste, combinée à une politique monétaire inflationniste, a détruit l’un des pays les plus riches de la planète.
Le bitcoin permet de sauvegarder la valeur tout en facilitant les échanges. Dans un contexte d’investissement, le bitcoin, l’actif numérique non corrélé, représente plus que jamais un actif digne d’intérêt dans la construction d’un portefeuille diversifié. Pas surprenant de voir Fidelity Investment et Goldman Sachs lancer des divisions qui vont activement transiger le bitcoin pour leurs clients.
Nouriel Roubini est l’exemple parfait de l’académicien anti-bitcoin qui s’offusque d’un système économique qui ne peut être contrôlé et planifié de manière centralisée. Comme disait Friedrich A. Hayek, lauréat du prix Nobel d’économie : « La curieuse mission des sciences économiques est de montrer aux hommes à quel point ils ne connaissent rien de ce qu’ils pensent pouvoir concevoir. »
Jonathan Hamel is CEO and founder of the Académie Bitcoin and Associate Researcher at the MEI. The views reflected in this op-ed are his own.