Le Québec est trop syndicalisé
En 1964, la présence syndicale aux États-Unis était comparable à celle du Canada: un travailleur sur trois environ était syndiqué dans les deux pays. Depuis, le taux de syndicalisation aux États-Unis a continuellement reculé, alors qu’il est demeuré essentiellement le même chez nous.
Cette stabilité masque cependant des différences régionales. En effet, la proportion de syndiqués a continué d’augmenter au Québec au cours de cette période et est maintenant la plus élevée parmi toutes les juridictions nord-américaines. En 2003, la proportion des travailleurs salariés affiliés à un syndicat se situait à 41,2% de la main-d’oeuvre employée totale au Québec, tandis qu’elle atteignait 32,4 % au Canada et 13,1% seulement aux États-Unis.
En parallèle, depuis 1982, le taux de croissance du produit intérieur brut (PIB) réel a augmenté annuellement de 2,5% en moyenne au Québec, comparativement à 2,9% dans l’ensemble du Canada et à 3,3% en Ontario et aux États-Unis.
Le fait que le Québec affiche le plus fort taux de syndicalisation en Amérique du Nord et qu’il figure par ailleurs parmi les derniers au chapitre de la croissance n’est-il qu’une simple coïncidence? Bien qu’aucune étude scientifique ne se soit, à ma connaissance, intéressée de façon explicite à la question au Canada, les chiffres exposés précédemment et la théorie économique donnent à penser que le pourcentage plus élevé de travailleurs syndiqués a, jusqu’à un certain point, un impact sur la piètre performance relative du Québec.
Les économistes américains Lou Pantuosco, Darell Parker et Gary Stone ont mené une étude qui comparait les taux de syndicalisation et les différents indicateurs de performance économique dans les 48 États américains contigus entre 1978 et 1994. Leur conclusion: la présence de syndicats a un impact négatif sur les taux de croissance du produit intérieur brut des États américains.
Ces économistes ont de plus montré qu’il y a un lien persistant entre syndicalisation et taux de chômage. En clair, les juridictions américaines à forte densité syndicale sont aussi associées à de plus hauts niveaux de chômage. Les chiffres du Québec semblent le confirmer également: au cours des 20 dernières années, le taux de chômage annuel moyen au Québec a été de 10,8% comparativement à 7,6% en Ontario et à 9,0% dans l’ensemble du Canada. En comparaison, les États-Unis ont affiché un taux de 5,8% en moyenne annuellement au cours de cette même période.
Le taux de syndicalisation n’est évidemment pas le seul facteur responsable de la mauvaise performance relative du Québec, qui est également un champion nord-américain sur le plan de la lourdeur de la fiscalité. Mais les syndicats jouissent ici de privilèges (comme une loi anti-briseurs de grève, unique sur le continent avec celle de la Colombie-Britannique) qui ont des effets négatifs sur la création d’emplois, la flexibilité du travail, la productivité et l’attraction des investissements étrangers.
Les modifications relativement mineures à l’article 45 ont causé tout un tollé l’année dernière. Il se peut bien que le Québec ait atteint un point de non-retour et que le pouvoir des syndicats soit tel qu’il rende complètement irréaliste, dans les faits, toute réforme vraiment importante du Code du travail. Si aucun gouvernement n’a le courage d’entreprendre ces réformes, il faudra s’habituer à voir le Québec de plus en plus perdant face à ses concurrents nord-américains.